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teurs de la simple vérité aiment bien mieux avouer qu’ils ignorent, que de fixer ainsi leur esprit à des illusions.

Les chercheurs de la pierre philosophale s’expriment aussi par allégorie dans leurs livres ; ce qui done à ces livres un air de mystère et de profondeur que la simplicité de la vérité ne pouroit jamais leur concilier. Ainsi ils couvrent sous les voiles mystérieux de l’allégorie, les uns leur fourberie, et les autres leur fanatisme, je veux dire leur fole persuasion. En éfet, la nature n’a qu’une voie dans ses opérations, voie unique que l’art peut contrefaire à la vérité, mais qu’il ne peut jamais imiter parfaitement. Il est aussi impossible de faire de l’or par un moyen diférent de celui dont la nature se sert pour former l’or, qu’il est impossible de faire un grain de blé d’une manière diférente de celle qu’elle emploie pour produire le blé.

Le terme de matière générale n’est qu’une idée abstraite qui n’exprime rien de réel, c’est-à-dire, rien qui existe hors de notre imagination. Il n’y a point dans la nature une matière générale dont l’art puisse faire tout ce qu’il veut : c’est ainsi qu’il n’y a point une blancheur générale d’où l’on puisse former des objets blancs. C’est des divers objets blancs qu’est venue l’idée de blancheur, come nous l’expliquerons dans la suite, et c’est des divers corps particuliers, dont nous somes afectés en tant de manières diférentes, que s’est formée en nous l’idée abstraite de matière générale. C’est passer de l’ordre idéal à l’ordre physique, que d’imaginer un autre systême.