Page:Dumas.- Grand dictionnaire de cuisine, 1873.djvu/46

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de fond en comble ; le Buzento avait disparu tout entier dans une immense gerçure de la terre, le lit était à sec de nouveau ; je m’arrêtai à une auberge qu’on appelait le Repos d’Alaric, et de la fenêtre je voyais toute une multitude remuant la terre mise à nu, pour retrouver cette tombe d’Alaric, qui contenait un cadavre enseveli dans des richesses suffisantes pour enrichir un peuple.

Quant à Attila, il expire entre les bras de sa nouvelle épouse Ildico ; et les Huns se font avec la pointe de leurs épées des incisions au-dessous des yeux, afin de ne pas pleurer leur roi avec des larmes de femme, mais avec du sang d’homme. L’élite de ses cavaliers tourne autour de son corps, tout le jour, en chantant des chants guerriers ; puis, quand la nuit est venue, le cadavre enfermé dans trois cercueils, le premier d’or, le second d’argent, le troisième de fer, est mystérieusement déposé dans la tombe sur un lit de drapeaux, d’armes et de pierreries ; et, afin que nulle cupidité humaine ne vienne profaner tant de richesses funéraires, les ensevelisseurs sont poussés dans la tombe et enterrés avec l’enseveli.

Ainsi passèrent, au milieu de l’orgie romaine qu’ils éteignirent dans le sang, ces hommes qui, instruits de leur mission par un instinct sauvage, devancèrent le jugement du monde en s’intitulant le marteau de l’univers ou le fléau de Dieu[1].

Puis, quand le vent eut emporté la poussière qu’avait soulevée la marche de tant d’armées ; quand la fumée de tant de villes incendiées fut remontée au ciel ; quand les vapeurs qui s’élevaient de tant de champs de bataille furent retombées sur la terre en rosée fécondatrice ; quand l’œil, enfin, put distinguer quelque chose au milieu de cet immense chaos, il aperçut des peuples jeunes et renouvelés se pressant autour de quelques vieillards qui tenaient d’une main l’Évangile et de l’autre la croix.

Les vieillards, c’étaient les Pères de l’Église.

Ainsi mourut, au commencement du ve siècle, au temps de saint Chrysostome, cette civilisation qui avait donné tant de beaux jours à l’empire romain. L’odeur des festins de Trimalcion, de

  1. Voir Chateaubriand, Essais historiques, dont tout ce passage n’est qu’une pâle imitation.