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Lucullus, de Domitien, d’Héliogabale, qui avait éveillé l’appétit des barbares, tout fut perdu.

Les incursions des nations fauves, qui durèrent pendant près de trois siècles, jetèrent sur la civilisation antique une nuit profonde.

« Lorsqu’il n’y eut plus de cuisine dans le monde, il n’y eut plus de littérature, d’intelligence élevée et rapide, il n’y eut plus d’inspiration, il n’y eut plus d’idée sociale, » dit Carême.

Heureusement que des parcelles de la grande recette générale s’étaient éparpillées sur le monde. Le vent en jeta des fragments dans les cloîtres. C’est là que le feu de l’intelligence se réveilla. Les moines l’attisèrent et éveillèrent de nouveaux phares. Ceux-ci jetèrent toute leur lumière sur la société nouvelle et la fécondèrent.

Gênes, Venise, Florence, Milan, Paris enfin, qui héritent des nobles passions de l’art, deviennent des cités opulentes et ressuscitent la gastronomie.

C’était là qu’elle s’était éteinte, c’était là qu’elle devait renaître.

Rome, privilégiée entre toutes les villes, eut deux civilisations, toutes les deux brillantes : sa civilisation guerrière, sa civilisation chrétienne.

Après le luxe de ses généraux et de ses empereurs, elle eut celui de ses cardinaux et de ses papes.

L’Italie regagnait par le commerce les richesses qu’autrefois elle avait conquises par les armes. Comme elle avait eu ses gourmands païens, ses Lucullus, ses Hortensius, ses Apicius, ses Antoine, ses Pollion, elle a ses gourmands chrétiens, son Léonard de Vinci, son Tintoret, son Titien, son Paul Véronèse, son Raphaël, son Baccio Bandinelli, son Guido Reni ; si bien qu’elle n’est bientôt plus assez grande pour contenir cette civilisation nouvelle et qu’elle déborde sur la France.

La France était fort arriérée à l’endroit de la cuisine. Seuls, nos excellents vins, quoique n’étant point arrivés au degré de