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KEAN.

Me voilà !… — (Il passe le pourpoint.) Oh ! je l’avais bien deviné : mon ami !… Lui, mon ami… il n’y a d’amitié qu’entre égaux, monseigneur, et il y a autant de vanité à vous de m’avoir dans votre voiture, que de sottise à moi d’y monter… — (On frappe à la porte secrète.) On frappe à cette porte qui n’est connue que d’Elena…

GIDSA.

Ouvrez, monsieur Kean, c’est moi, c’est Gidsa…

KEAN, ouvrant.

Gidsa, que voulez-vous ? qu’est-il arrivé ?


Scène VIII.

 

Les mêmes ; GIDSA, puis DARIUS, puis LE RÉGISSEUR, PISTOL, le public, au dehors.
GIDSA.

Ma maîtresse a oublié son éventail, et je viens le chercher…

KEAN.

Son éventail ? L’as-tu vu, Salomon ?

SALOMON.

Non, maître…

KEAN.

Voyez, Gidsa… cherchez…

GIDSA.

Oh ! mon Dieu, comment cela se fait-il ? C’est que ma maîtresse y tenait beaucoup, c’est un cadeau du prince de Galles.

KEAN.

Ah ! c’est un cadeau du prince de Galles… Voyez dans sa voiture, elle l’a peut-être oublié…

GIDSA.

Vous avez raison…

KEAN, lui donnant une bourse.

Tenez, mon enfant, si votre maîtresse a perdu son éventail… vous aurez au moins trouvé quelque chose, vous.

GIDSA.

Merci, monsieur Kean.

(Elle sort.)
KEAN.

Un éventail donné par le prince de Galles !… je conçois que l’on tienne à un présent royal. — (Appelant.) Darius !… eh bien ! est-ce qu’il ne viendra pas, cet imbécile de coiffeur ?… Darius !

SALOMON.

Ménagez votre diamant, maître, et laissez-moi l’appeler à votre place… — (Appelant.) Darius !…

DARIUS, entrant, une perruque à la main.

Voilà ! voilà !

KEAN, s’asseyant.

Qu’est-ce que tu faisais donc, drôle ?

DARIUS, retapant la perruque.

Je vous demande pardon, mais c’est que…

KEAN.

Tu bavardais, n’est-ce pas ?… Viens ici… et coiffe-moi.

LE RÉGISSEUR, ouvrant la porte.

Peut-on sonner au foyer du public, monsieur Kean ?

KEAN.

Oui, je suis prêt.

LE RÉGISSEUR, se retirant.

Merci !

KEAN.

Pendant qu’on me coiffe, Salomon, cherche donc cet éventail…

DARIUS.

Quel éventail ?

KEAN.

Un éventail qui a été perdu ici.

DARIUS.

Ah ! je vous dis cela, parce que j’ai vu le monsieur qui est venu vous voir avec le prince de Galles qui en tenait un qui était un peu drôle, des éventails.

KEAN.

Un éventail garni de diamants ?

DARIUS.

Oui, et qui reluisait joliment encore, puisqu’en le voyant, je me suis dit : Si j’avais trouvé un éventail comme celui-là, je ne ferais plus de perruques ; et pourtant je les fais crânement, les perruques…

KEAN, se levant.

Tu as vu cet éventail entre les mains du comte de Kœfeld ?

DARIUS.

Je ne sais pas si c’était le comte de Kœfeld, mais ce que je sais, c’est qu’il ne paraissait pas content du tout, et qu’il a remis l’éventail dans sa poche avec un air un peu vexé.

KEAN.

Oh ! mais que va-t-il penser ? il se doutera qu’Elena est venue ici.

LE RÉGISSEUR, à la porte.

On va lever le rideau, monsieur Kean.

KEAN.

Je ne suis pas prêt.

LE RÉGISSEUR.

Mais, vous avez dit qu’on pouvait sonner.

KEAN.

Allez au diable !

LE RÉGISSEUR, se sauve en criant.

Ne levez pas le rideau ! ne levez pas le rideau !