Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/416

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ce temps une femme s’approche du suisse, et, d’un coup de manche à balai sur la tête, l’étend aux pieds de Maillard.

Maillard rengaine son épée, prend celle du suisse sous un bras, prend le fusil de la femme sous l’autre, ramasse son tricorne tombé pendant la lutte, le replace sur sa tête, et continue son chemin à travers les Tuileries, où, selon la promesse par lui faite, aucun dégât n’est commis.

Laissons-les continuer leur chemin à travers le Cours-la-Reine et s’acheminer vers Sèvres, où elles se séparent en deux bandes, et voyons un peu ce qui se passait à Paris.

Ces sept mille femmes n’avaient pas failli noyer les électeurs, pendre l’abbé Lefèvre et Maillard, et brûler l’Hôtel de ville, sans faire un certain bruit.

À ce bruit, qui avait eu son retentissement jusque dans les quartiers les plus éloignés de la capitale, Lafayette était accouru.

Il passait une espèce de revue au Champ de Mars. Depuis huit heures du matin il était à cheval ; il arriva sur la place de l’hôtel de ville comme sonnait midi.

Les caricatures du temps représentaient Lafayette en centaure. Le corps était celui du fameux cheval blanc devenu proverbial.

La tête était celle du commandant de la garde nationale.

Depuis le commencement de la révolution, Lafayette parlait à cheval, Lafayette mangeait à cheval, Lafayette commandait à cheval.

Il lui arrivait souvent de dormir à cheval.

Aussi, quand il lui arrivait par chance de dormir dans son lit, Lafayette dormait bien.

Quand Lafayette arriva sur le quai Pelletier, il fut arrêté par un homme qui partait au grand galop d’un excellent cheval de course.

Cet homme était Gilbert. Il partait pour Versailles. Il allait prévenir le roi de ce dont il était menacé, et se mettre à sa disposition.

En deux mots, il raconta tout à Lafayette.

Puis chacun continua son chemin :

Lafayette vers l’hôtel de ville.

Gilbert vers Versailles. Seulement, comme les femmes suivaient la rive droite de la Seine, lui prit la rive gauche.

La place de l’hôtel de ville, vide de femmes, s’était remplie d’hommes.

Ces hommes, c’étaient des gardes nationaux soldés ou non soldés, d’anciens gardes-françaises surtout, qui, passés dans les rangs du peuple, avaient perdu leurs priviléges de gardes du roi, privilège dont avaient hérité les gardes du corps et les suisses.

Au bruit que faisaient les femmes avaient succédé le bruit du tocsin et la générale.