Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/489

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résulta entre le physique et le moral une lutte dans laquelle le moral, vainqueur d’abord, finit par succomber.

C’est-à-dire que, de onze heures à deux heures du matin, Pitou gémit, soupira, se retourna dans son lit sans pouvoir dormir ; mais, à deux heures du matin, vaincu par la fatigue, il ferma les yeux, pour ne les rouvrir qu’à sept heures.

De même qu’à dix heures et demie du soir tout le monde est couché à Haramont, à sept heures du matin tout le monde est levé à Villers-Cotterets.

Pitou, en sortant de l’hôtel du Dauphin, vit donc de nouveau son casque et son sabre attirer l’attention publique.

Il se trouva donc, après avoir fait une centaine de pas, le centre d’un rassemblement.

Décidément Pitou avait conquis une énorme popularité dans le pays.

Peu de voyageurs ont une pareille chance. Le soleil qui, dit-on, luit pour tout le monde, ne luit pas toujours avec un éclat favorable pour les gens qui reviennent dans leur patrie avec le désir d’y être prophètes.

Mais aussi, il n’arrive pas à tout le monde d’avoir une tante acariâtre et avare jusqu’à la férocité, comme était la tante Angélique ; il n’arrive pas à tout Gargantua capable d’engloutir un coq au riz de pouvoir offrir un petit écu aux ayants-cause de la victime.

Mais ce qui arrive moins encore à ces revenants, dont l’origine et les traditions remontent à l’Odyssée, c’est de revenir avec un casque sur la tête et un sabre au côté, surtout lorsque le reste de l’accoutrement n’est rien moins que militaire.

Car, disons-le, c’était surtout ce casque et ce sabre qui recommandaient Pitou à l’attention de ses concitoyens.

Sans les chagrins amoureux qui avaient frappé Pitou à son retour, on voit que toutes sortes de bonheurs lui étaient échus en compensation.

Aussi quelques habitants de Villers-Cotterets, qui avaient accompagné Pitou la veille de la porte de l’abbé Fortier, rue de Soissons, à la porte de la tante Angélique, au Pleux, résolurent-ils, pour continuer l’ovation, de conduire Pitou de Villers-Cotterets à Haramont.

Ce qu’ils firent comme ils avaient résolu, et, ce que voyant les habitants d’Haramont, les susdits habitants d’Haramont commencèrent à apprécier leur compatriote à sa juste valeur.

Il est vrai de dire que déjà la terre était préparée à recevoir la semence. Le premier passage de Pitou, si rapide qu’il eût été, avait laissé une trace dans les esprits : son casque et son sabre étaient restés dans la mémoire de ceux qui l’avaient vu à l’état d’apparition lumineuse.

En conséquence les habitants d’Haramont, se voyant favorisés par