Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/501

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Ci, nous voilà, Pitou. — C’est une bonne visite ; que me voulez-vous, mes amis ? — Viens donc au clair, dit Claude. — Au clair de quoi ? il n’y a pas de lune. — Au clair du ciel. — Tu as donc à me parler ? — Oui, nous avons à te parler, Ange.

Et Claude appuya significativement sur ces mots.

— Allons, dit Pitou.

Et tous trois sortirent.

Ils allèrent ainsi jusqu’au premier carrefour du bois, où ils s’arrêtèrent, Pitou ne sachant toujours pas ce qu’on lui voulait.

— Eh bien ? demanda Pitou voyant que ces deux compagnons faisaient halte. — Vois-tu, Ange, dit Claude, nous voilà, moi et Désiré Maniquet, qui menons le pays à nous deux ; veux-tu être avec nous ? — Pour quoi faire ? — Ah ! voilà, c’est pour… — Pour ? demanda Pitou en se redressant ; pour quoi ? — Pour conspirer, murmura Claude à l’oreille de Pitou. — Ah ! ah ! comme à Paris, fit Pitou ricanant. Le fait est qu’il avait peur du mot et de l’écho de ce mot, même au milieu de la forêt.

— Voyons, explique-toi, lui dit-il enfin. — Voici le fait : approche, toi, Désiré, qui est braconnier dans l’âme, et qui connais tous les bruits du jour et de la nuit, de la plaine et de la forêt, regarde si l’on ne nous a pas suivis ; écoute si l’on ne nous épie pas. Désiré fit un signe de la tête, décrivit un cercle autour de Pitou et de Claude, cercle aussi silencieux que l’est celui d’un loup qui tourne autour d’une bergerie.

Puis il revint.

— Parle, dit-il, nous sommes seuls. — Mes enfants, reprit Claude, toutes les communes de France, à ce que tu nous as dit, Pitou, veulent être en armes et sur le pied de gardes nationales. — Ça c’est vrai, dit Pitou. — Eh bien, pourquoi Haramont ne serait-il pas en armes comme les autres communes ? — Mais, tu l’as dit hier, Claude, dit Pitou, quand je faisais la motion de nous armer, Haramont n’est pas en armes, parce que Haramont n’a pas de fusils. — Oh ! les fusils, cela ne nous inquiète pas, puisque tu sais où il y en a. — Je sais, je sais, dit Pitou, qui voyait venir Claude, et qui comprenait le danger. — Eh bien ! continua Claude, nous nous sommes consultés aujourd’hui tous les jeunes gens patriotes du pays. — Bon. — Et nous sommes trente-trois. — C’est le tiers de cent moins un, ajouta Pitou. — Sais-tu l’exercice, toi ? demanda Claude.

— Pardieu ! fit Pitou, qui ne savait pas seulement porter arme. — Bien. Et sais-tu la manœuvre ? — J’ai vu manœuvrer dix fois’le général Lafayette avec quarante mille hommes, répondit dédaigneusement Pitou.

— Très-bien ! dit Désiré, qui se lassait de ne pas parler, et qui, sans être