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ment d’effroi. Angélique leva sa main crochue, Pitou baissa la tête ; Angélique s’empara d’un manche à balai trop voisin ; Pitou laissa tomber sa tartine et prit sa course sans autre explication.

Ces deux cœurs venaient de s’entendre, et avaient compris qu’il ne pouvait plus rien exister entre eux.

Mademoiselle Angélique rentra et ferma la porte à double tour. Pitou, que le bruit grinçant de la serrure effrayait comme une suite de la tempête, redoubla de vivacité.

Il résulta de cette scène un effet que mademoiselle Angélique était bien loin de prévoir, et auquel, bien certainement, Pitou ne s’attendait pas davantage.


V

un fermier philosophe


Pitou courait comme si tous les diables d’enfer eussent été à ses trousses, et en un instant il fut hors de la ville.

En tournant le coin du cimetière, il faillit donner du nez dans le derrière d’un cheval.

— Eh ! bon Dieu ! dit une douce voix bien connue de Pitou, où courez-vous donc ainsi, monsieur Ange ? Vous avez manqué faire prendre le mors aux dents à Cadet, de la peur que vous nous avez faite. — Ah ! mademoiselle Catherine, s’écria Pitou, répondant à sa propre pensée et non à l’interrogation de la jeune fille ; ah ! mademoiselle Catherine, quel malheur, mon Dieu ! quel malheur ! — Jésus ! vous m’effrayez, dit la jeune fille arrêtant son cheval au milieu du chemin. Qu’y a-t-il donc, monsieur Ange ? — Il y a, répondit Pitou, comme s’il allait révéler un mystère d’iniquités, il y a que je ne serai pas abbé, mademoiselle Catherine.

Mais, au lieu de gesticuler dans le sens qu’attendait Pitou, mademoiselle Billot partit d’un grand éclat de rire.

— Vous ne serez pas abbé ? dit-elle. — Non, répondit Pitou consterné, il paraît que c’est impossible. — Eh bien ! alors, vous serez soldat, dit Catherine. — Soldat ? — Sans doute. Il ne faut pas se désespérer pour si peu de chose, mon Dieu ! J’avais d’abord cru que vous veniez m’annoncer la mort subite de mademoiselle votre tante. — Ah ! dit Pitou avec sentiment, c’est exactement la même chose pour moi que si elle était morte, puisqu’elle me chasse. — Pardon, dit la Billote en riant ; il vous manque cette satisfaction de la pouvoir pleurer.