Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/522

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Qu’on juge de l’effet qu’il produisit, qu’on juge aussi du trouble et du battement de cœur de Pitou.

Il s’approcha tremblant, pâle, et prit le paquet que lui tendit, non sans sourire, l’officier chargé du message.

C’était une réponse de monsieur Billot, par la main de Gilbert.

Billot recommandait à Pitou la modération dans le patriotisme.

Et il envoyait l’ordre du général Lafayette, contresigné par le ministre de la guerre, pour armer la garde nationale d’Haramont.

Il profitait du départ d’un officier chargé d’armer, au nom du général Lafayette, la garde nationale de Soissons et de Laon. Cet ordre était ainsi conçu :


« Seront tenus, ceux qui possèdent plus d’un fusil et d’un sabre, de mettre leurs autres armes à la disposition des chefs de corps de chaque commune.

« La présente mesure est exécutoire dans toute l’étendue de la province. »


Pitou, rouge de joie, remercia l’officier, qui sourit de nouveau, et repartit immédiatement pour le relai suivant.

Ainsi Pitou se voyait au comble des honneurs ; il recevait directement des messages du général Lafayette et des ministres.

Et ces messages venaient servir complaisamment les plans et les ambitions de Pitou.

Dépeindre l’effet de cette visite sur les électeurs de Pitou serait un travail impossible. Nous déclarons y renoncer.

Seulement, à voir ces visages émus, ces yeux brillants, cet empressement de la population ; à voir ce profond respect que tout le monde prit immédiatement pour Ange Pitou, le plus incrédule observateur se put convaincre que désormais notre héros allait être un grand personnage.

Les électeurs, l’un après l’autre, demandèrent à voir et à toucher le cachet du ministère, ce que leur octroya Pitou très-gracieusement. Et quand le nombre des assistants se fut réduit aux seuls initiés :

— Citoyens, dit Pitou, mes plans ont réussi comme je l’avais prévu. J’ai écrit au général Lafayette le désir que vous avez de vous constituer en garde nationale, et le choix que vous avez fait de moi pour vous commander.

Lisez la suscription de la lettre qui m’arrive du ministère.

Et il présenta la dépêche, sur l’adresse de laquelle on put lire  :

Au sieur Ange Pitou,
commandant de la garde nationale d’Haramont.

— Je suis donc, continua Pitou, reconnu et agréé par le général La-