Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/524

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tant d’heur n’était pas un rêve, — il y trouva cette phrase de Gilbert, qui lui avait échappé :

« Pourquoi Pitou a-t-il oublié de donner à monsieur le docteur Gilbert des nouvelles de Sébastien ?

« Pourquoi Sébastien n’écrit-il pas à son père ? »


LXVI

PITOU TRIOMPHE


L’abbé Fortier était loin de se douter, le brave homme, et de l’orage que lui préparait cette profonde diplomatie, et du crédit qu’avait Ange Pitou près des chefs du gouvernement.

Il était occupé à prouver à Sébastien que les mauvaises sociétés sont la perte de toute vertu et de toute innocence ; que Paris est un gouffre ; que les anges eux-mêmes s’y corrompraient si, comme ceux qui s’étaient égarés sur la route de Gomorrhe, ils ne remontaient vivement au ciel ; et prenant au tragique la visite de Pitou, ange déchu, il engageait Sébastien, avec toute l’éloquence dont il était capable, de rester un bon et vrai royaliste.

Par bon et vrai royaliste, hâtons-nous de le dire, l’abbé Fortier était bien loin d’entendre ce que le docteur Gilbert entendait par les mêmes mots.

Il oubliait, le bon abbé, que vu cette différence à entendre les mêmes mots, sa propagande était une mauvaise action, puisqu’il essayait d’armer, involontairement sans doute, l’esprit du fils contre celui du père.

Il faut avouer, au reste, qu’il n’y trouvait pas de grandes préparations.

Chose étrange ! à l’âge où les enfants sont cette molle argile dont parle le poète, à l’âge où tout cachet qui appuie sur eux leur laisse son empreinte, Sébastien était déjà un homme par la résolution et la ténacité de l’idée.

Était-ce là le poids de cette aristocratique nature qui avait dédaigné jusqu’à l’horreur un plébéien ?

Ou bien était-ce là réellement l’aristocratie du plébéien poussée dans Gilbert jusqu’au stoïcisme ?

L’abbé Fortier n’était point capable de sonder un pareil mystère ; il savait le docteur un peu exalté patriote ; il essayait, avec la naïveté ré-