Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/525

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paratrice des ecclésiastiques, de lui réformer son fils pour le bien du roi et de Dieu.

Sébastien d’ailleurs, tout en paraissant fort attentif, n’écoutait pas ces conseils ; il songeait alors à ces vagues visions qui, depuis quelque temps, étaient revenues l’assaillir sous les grands arbres du parc de Villers-Cotterets, lorsque l’abbé Fortier conduisait ses élèves du côté de la Pierre-Clouïse, du regard Saint-Hubert, ou de la tour Aumont ; à ces hallucinations qui lui composaient une seconde vie à côté de sa vie naturelle, une vie menteuse de poétiques félicités auprès du prosaïsme indolent de ses jours d’étude et de collège. Tout à coup la porte de la rue de Soissons, heurtée avec une certaine violence, s’ouvrit d’elle-même et donna passage à plusieurs hommes. Ces hommes étaient le maire de la ville de Villers-Cotterets, l’adjoint et le secrétaire de la mairie.

Derrière eux apparaissaient deux chapeaux de gendarmes, et derrière ces chapeaux de gendarmes cinq ou six têtes de curieux. L’abbé, inquiet, marcha droit au maire.

— Et qu’y a-t-il donc, monsieur de Longpré ? demanda-t-il. — Monsieur l’abbé, répondit gravement celui-ci, vous avez connaissance du nouveau décret du ministre de la guerre ? — Non, monsieur le maire.

— Prenez la peine de le lire alors.

L’abbé prit la dépêche et la lut.

Tout en la lisant il pâlit.

— Eh bien ? demanda-t-il tout ému. — Eh bien ! monsieur l’abbé, ces messieurs de la garde nationale d’Haramont sont là et attendent une livraison d’armes.

L’abbé fit un bond comme s’il allait dévorer ces messieurs de la garde nationale.

Alors Pitou, jugeant que le moment était venu de se montrer. Pitou s’approcha, suivi de son lieutenant et de son sergent.

— Les voici, dit le maire.

L’abbé était passé du blanc au rouge.

— Ces drôles ! s’écria-t-il, ces vauriens ! Le maire était bon homme, il n’avait pas encore d’opinion politique bien arrêtée ; il ménageait la chèvre et le chou ; il ne se voulait brouiller ni avec Dieu, ni avec la garde nationale. Les invectives de l’abbé Fortier excitèrent de sa part un gros rire, avec lequel il domina la situation.

— Vous entendez comment l’abbé traite la garde nationale d’Haramont, dit-il à Pitou et à ses deux officiers. — C’est parce que monsieur l’abbé Fortier nous a vus enfants, et qu’il nous croit toujours des en-