Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/543

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il s’agissait tout simplement pour lui de faire marcher et manœuvrer les cent soixante-dix hommes de l’armée générale.

Il n’en put venir à bout.

Pitou, son épée sous le bras et son fidèle casque sur la tête, regardait faire avec le sourire de l’homme supérieur.

Quand le sergent eut vu ses têtes de colonnes aller se perdre dans les arbres de la forêt, tandis que les queues reprenaient le chemin d’Haramont ; quand il eut vu ses carrés se disperser à des distances erronées ; quand il eut vu se mêler disgracieusement les escouades et s’égarer les chefs de file, il perdit la tête, et fut salué d’un murmure désapprobateur par ses vingt soldats.

Un cri retentit alors du côté d’Haramont.

— Pitou ! Pitou ! à Pitou ! — Oui, oui, à Pitou ! crièrent les hommes des autres villages, furieux d’une infériorité qu’ils attribuaient charitablement à leurs instructeurs.

Pitou remonta sur son cheval blanc, et, se replaçant à la tête de ses hommes, auxquels il fit prendre la tête de l’armée, il fit entendre un commandement d’une telle énergie et d’un creux si superbe, que les chênes en frissonnèrent.

À l’instant même, et comme par miracle, les files ébranlées se rétablirent ; les mouvements ordonnés s’exécutèrent avec un ensemble dont l’enthousiasme ne troublait pas la régularité, et Pitou appliqua si heureusement à la pratique les leçons du père Clouïs et la théorie du Parfait Garde national, qu’il obtint un succès immense.

L’armée, réunie dans un seul cœur et éclatant par une seule voix, le nomma imperator sur le champ de bataille.

Pitou descendit de son cheval, baigné de sueur et ivre d’orgueil, et, ayant touché le sol, il reçut les félicitations des peuples.

Mais, en même temps, il cherchait au milieu de la foule à rencontrer les regards de Catherine.

Tout à coup la voix de la jeune fille retentit à son oreille. Pitou n’avait pas eu besoin d’aller à Catherine, Catherine était venue à lui !

Le triomphe était grand.

— Eh quoi ! dit-elle d’un air riant que démentait son pâle visage, quoi ! monsieur Ange, vous ne nous dites rien, à nous ? Vous êtes devenu fier, parce que vous êtes un grand général… — Oh ! non, s’écria Pitou, oh ! bonjour Mademoiselle !

Puis à madame Billot ;

— J’ai l’honneur de vous saluer, madame Billot.

Et revenant à Catherine :