Page:Dumas - Ange Pitou, 1880.djvu/99

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— Eh ! oui, les mouchards, dit Billot, les hommes noirs, si tu comprends mieux. — Ah ! les hommes noirs ! Vous pensez bien, cher monsieur Billot, que je ne me suis pas amusé à les attendre. — Bravo ! Ils sont derrière, alors. — Mais, je m’en flatte ; après une course comme celle que j’ai accomplie, c’est bien le moins, ce me semble. — Alors, si tu es certain de ton affaire, pourquoi fuyais-tu ainsi ? — Mais parce que je croyais que c’était leur chef qui, pour ne pas en avoir le démenti, me poursuivait à cheval. — Allons ! allons ! tu n’es pas si maladroit que je croyais. Alors, du moment où le chemin est libre, sus ! sus ! à Dammartin. — Comment ! sus ! sus ! — Oui, lève-toi, et viens avec moi. — Nous allons donc à Dammartin ? — Oui. Je prendrai un cheval chez le compère Lefranc, je lui laisserai Cadet, qui n’en peut plus, et nous pousserons ce soir jusqu’à Paris. — Soit ! monsieur Billot, soit. — Eh bien ! sus ! sus !

Pitou fit un effort pour obéir.

— Je voudrais bien, cher monsieur Billot, mais je ne puis pas, dit-il. — Tu ne peux pas te lever ? — Non. — Mais tu as bien fait le saut de carpe, tout à l’heure ? — Oh ! tout à l’heure ce n’est pas étonnant, j’ai entendu votre voix, et en même temps j’ai reçu un coup de fouet sur l’échine. Mais ces choses-là ne réussissent qu’une fois, à présent je suis accoutumé à votre voix, et quant à votre fouet, je suis bien sûr maintenant que vous ne l’appliquerez plus qu’à la gouverne de ce pauvre Cadet, qui a presque aussi chaud que moi.

La logique de Pitou, qui à tout prendre n’était autre que celle de l’abbé Fortier, persuada et toucha presque le fermier.

— Je n’ai pas le temps de m’attendrir sur ton sort, dit-il à Pitou. Mais, voyons, fais un effort et monte en croupe sur Cadet. — Mais, dit Pitou, c’est pour le coup qu’il crèvera, pauvre Cadet ! — Bah ! dans une demi-heure nous serons chez le père Lefranc. — Mais, cher monsieur Billot, il me semble, dit Pitou, que c’est parfaitement inutile que j’aille chez le père Lefranc, moi. — Et pourquoi cela ? — Parce que, si vous avez besoin à Dammartin, je n’y ai pas besoin, moi. — Oui, mais moi, j’ai besoin que tu viennes à Paris. À Paris, tu me serviras. Tu as les poings solides, et j’ai pour certain que l’on ne tardera point à se distribuer des horions là-bas. — Ah ! ah ! fit Pitou mal charmé de la perspective, vous croyez ?

Et il se hissa sur Cadet, Billot le tirant à lui comme un sac de farine. Le bon fermier regagna la route, et fit si bien de la bride, des genoux et des éperons, qu’en moins d’une demi-heure, comme il l’avait dit, on fut à Dammartin.

Billot avait fait son entrée dans la ville par une ruelle à lui connue. Il