debout de peur qu’on ne s’aperçût que sa cime manquait au milieu des autres cimes ; maintenant il n’y a plus qu’à le pousser pour qu’il tombe, il n’y a plus qu’à traîner le canot jusqu’à la rivière, il n’y a plus qu’à le laisser aller au courant ; et puisque tu veux partir, Nazim, eh bien ! cette nuit tu partiras.
— Mais toi, frère, ne viens-tu donc pas avec moi ? demanda Nazim.
— Non, dit Laïza, moi je reste.
Nazim poussa à son tour un profond soupir.
— Et qui t’empêche donc, demanda Nazim après un moment de silence, de retourner avec moi au pays de nos pères ?
— Ce qui m’empêche, Nazim, je te l’ai dit : depuis plus d’un an nous avons résolu de nous révolter, et nos amis m’ont choisi pour chef de la révolte. Je ne puis pas trahir nos amis en les quittant.
— Ce n’est pas cela qui te retient, frère, dit Nazim en secouant la tête, c’est autre chose encore.
— Et quelle autre chose penses-tu donc qui puisse me retenir, Nazim ?
— La rose de la rivière Noire, répondit le jeune homme en regardant fixement Laïza.
Laïza tressaillit ; puis après un moment de silence :
— C’est vrai, dit-il, je l’aime.
— Pauvre frère, reprit Nazim ; et quel est ton projet ?
— Je n’en ai pas.
— Quel est ton espoir ?
— De la voir demain, comme je l’ai vue hier, comme je l’ai vue aujourd’hui.
— Mais elle, sait-elle que tu existes ?
— J’en doute.
— T’a-t-elle jamais adressé la parole ?
— Jamais.
— Alors, la patrie ?
— Je l’ai oubliée.
— Nessali ?
— Je ne m’en souviens plus.
— Notre père ?