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Londres, ne vante que l’Angleterre, et n’estime que lui-même.

Derrière nous, le Grand-Port, autrefois port impérial, premier établissement des Hollandais, mais abandonné depuis par eux, parce qu’il est au vent de l’île et que la même brise qui y a conduit les vaisseaux les empêche d’en sortir. Aussi, après être tombé en ruines, n’est-ce aujourd’hui qu’un bourg dont les maisons se relèvent à peine, une anse où la goélette vient chercher un abri contre le grappin du corsaire, des montagnes couvertes de forêts auxquelles l’esclave demande un refuge contre la tyrannie du maître ; puis, en ramenant les yeux vers nous, et presque sous nos pieds, nous distinguerons, sur le revers des montagnes du port, Moka, tout parfumé d’aloès, de grenades et de cassis ; Moka, toujours si frais qu’il semble replier le soir les trésors de sa parure pour les étaler le matin ; Moka, qui se fait beau chaque jour comme les autres cantons se font beaux pour les jours de fête ; Moka, qui est le jardin de cette île, que nous avons appelée le jardin du monde.

Reprenons notre première position ; faisons face à Madagascar, et jetons les yeux sur notre gauche : à nos pieds, au delà du Réduit, ce sont les plaines Williams, après Moka le plus délicieux quartier de l’île, et que termine, vers les plaines Saint-Pierre, la montagne du Corps-de-Garde taillée en croupe de cheval ; puis, par delà les Trois-Mamelles et les grands bois, le quartier de la Savane, avec ses rivières au doux nom, qu’on appelle les rivières des Citronniers, du Bain-des-Négresses et de l’Arcade, avec son port si bien défendu par l’escarpement même de ses côtes, qu’il est impossible d’y aborder autrement qu’en ami ; avec ses pâturages rivaux de ceux des plaines Saint-Pierre, avec son sol vierge encore comme une solitude de l’Amérique ; enfin, au fond des bois, le grand bassin où se trouvent de si gigantesques murènes que ce ne sont plus des anguilles, mais des serpents, et qu’on les a vu entraîner et dévorer vivants des cerfs poursuivis par des chasseurs et des nègres marrons qui avaient eu l’imprudence de s’y baigner.

Enfin, tournons-nous vers notre droite : Voici le quartier du Rempart, dominé par le morne de la Découverte, au som-