Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/129

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fois-là il avait plongé pour toujours. Cependant au bout d’un instant, nous l’avons vu remonter, il était évanoui, nous l’avons mis dans la pirogue, nous lui avons lié les pieds et les mains, et l’avons ramené toujours évanoui. Ce n’est qu’au morne Brabant qu’il a repris ses sens, et voilà.

— Mais, dit vivement Sara, ce malheureux était peut-être grièvement blessé.

— Oh ! mon Dieu, non, mademoiselle, reprit le commandeur, une égratignure seulement. Ces diables de nègres, c’est douillet comme tout.

— Eh ! alors, pourquoi avoir tant tardé à lui administrer la correction qu’il a si bien méritée ? dit monsieur de Malmédie. D’après l’ordre que j’avais donné, cela devrait déjà être fait.

— Et cela serait fait aussi, monsieur, répondit le commandeur, si son frère, qui est un de nos bons travailleurs, n’avait assuré qu’il avait quelque chose d’important à vous dire avant que cet ordre ne fût exécuté. Comme vous deviez passer près du camp, et que c’était un retard d’un quart d’heure seulement, j’ai pris sur moi de surseoir.

— Et vous avez bien fait, commandeur, dit Sara. Et où est-il ?

— Qui ?

— Le frère de ce malheureux.

— Oui, où est-il ? demanda monsieur de Malmédie.

— Me voici, dit Laïza en s’avançant.

Sara jeta un cri de surprise : elle venait de reconnaître dans le frère du condamné celui qui s’était si généreusement dévoué le matin pour lui sauver la vie. Cependant, chose étonnante ! le nègre n’avait pas jeté un coup d’œil de son côté ; le nègre semblait ne pas la connaître ; le nègre, au lieu d’implorer son entremise comme il avait certes bien le droit de le faire, continuait de s’avancer vers monsieur de Malmédie. Il n’y avait pourtant pas à s’y tromper ; les plaies qu’avaient laissées à son bras et à sa cuisse les dents du requin étaient encore vives et saignantes.

— Que veux-tu ? dit monsieur de Malmédie.

— Vous demander une grâce, répondit Laïza à voix basse