Page:Dumas - Georges, 1848.djvu/335

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

œuvres. Voyez, voyez, Georges, comme ce spectacle est beau !

En effet, au moment où le jour allait commencer à naître, on eût cru que la nuit jalouse avait essayé d’épaissir ses ténèbres. Puis, comme nous l’avons dit, une lueur bleuâtre et transparente s’était étendue, augmentant à chaque instant de largeur et d’éclat ; puis cette lueur se dégrada successivement, passant du blanc argenté au rose tendre, puis du rose tendre au rose foncé ; enfin, un nuage de pourpre, pareil à la vapeur enflammée d’un volcan, monta à l’horizon. C’était le roi du monde qui venait prendre possession de son empire, c’était le soleil qui s’élançait en maître dans le firmament.

C’était la première fois que Sara voyait un pareil spectacle, aussi était-elle demeurée en extase, serrant avec un amour plein de foi et de religion la main du jeune homme ; mais Georges, qui avait eu le temps de s’y habituer pendant les longs voyages qu’il avait faits sur mer, ramena le premier son regard vers l’objet de la préoccupation générale. Le bâtiment chasseur allait toujours se rapprochant, seulement il devenait moins visible, noyé qu’il était dans les flots de la lumière orientale ; et c’était la corvette, au contraire, qui, à cette heure, devait lui être devenue parfaitement distincte.

— Allons, allons, murmura Jacques, il nous a vus à son tour, car le voilà qui hisse ses bonnettes. Georges, mon ami, continua Jacques en se penchant à l’oreille de son frère, tu connais les femmes, et tu sais qu’elles ont quelque peine à prendre leur parti ; tu ne ferais pas mal, à mon avis, de souffler à l’avance à Sara quelques mots de ce qui va se passer.

— Que dit votre frère ? demanda Sara.

— Il doute de votre courage, reprit Georges, et je lui réponds de vous.

— Vous avez raison, mon ami. D’ailleurs, lorsque le moment sera venu, vous me direz ce qu’il faut que je fasse, et j’obéirai.

— Le démon marche comme s’il avait des ailes, continua Jacques. Chère petite sœur, auriez-vous par hasard entendu nommer le commandant de ce bâtiment ?

— Je l’ai vu plusieurs fois chez monsieur de Malmédie, mon oncle, et je me rappelle parfaitement son nom ; il s’ap-