Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/112

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Ce duc, grand ami des jésuites, qu’il espérait ramener, grâce au crédit de madame du Barry, voyait une partie de sa tâche terminée par le mariage de M. le duc de Berry.

Ce n’était pas la plus rude partie, car il restait encore à M. le précepteur des enfants de France à parfaire l’éducation de M. le comte de Provence et de M. le comte d’Artois, âgés, à cette époque, l’un de quinze ans, l’autre de treize. M. le comte de Provence était sournois et indompté, M. le comte d’Artois, étourdi et indomptable ; et puis le dauphin, outre ses bonnes qualités qui le rendaient un précieux élève, était dauphin, c’est-à-dire le premier personnage de France après le roi. M. de la Vauguyon pouvait donc perdre gros en perdant sur un tel esprit l’influence que peut-être une femme allait conquérir.

Le roi l’appelant à rester, M. de la Vauguyon put croire que Sa Majesté comprenait cette perte et voulait l’en dédommager par quelque récompense. Une éducation achevée, d’ordinaire on gratifie le précepteur.

Ce qui engagea M. le duc de la Vauguyon, homme très sensible, à redoubler de sensibilité ; pendant tout le dîner, il avait porté son mouchoir à ses yeux, pour témoigner du regret que lui causait la perte de son élève. Une fois le dessert achevé, il avait sangloté, mais se trouvant enfin seul, il partait plus calme.

L’appel du roi tira de nouveau le mouchoir de sa poche et les larmes de ses yeux.

— Venez, mon pauvre la Vauguyon, dit le roi, en s’établissant à l’aise dans une chaise-longue ; venez, que nous causions.

— Je suis aux ordres de Votre Majesté, répondit le duc.

— Asseyez-vous là, mon très cher ; vous devez être fatigué.

— M’asseoir, sire ?

— Oui, là, sans façon, tenez.

Et Louis XV indiqua au duc un tabouret placé de telle manière que les lumières tombassent d’aplomb sur le visage du précepteur, et laissassent dans l’ombre celui du roi.