Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/115

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en eût-il eu, que je les eusse extirpées radicalement. Mais je n’ai pas eu cette peine, heureusement ; monseigneur est sans passions.

— Vous avez dit heureusement ?

— Sire, n’est-ce pas un bonheur ?

— Ainsi, il n’en a pas ?

— De passions, non, sire.

— Pas une ?

— Pas une, j’en réponds.

— Eh bien, voilà justement ce que je redoutais. Le dauphin sera un très bon roi, un très bon administrateur, mais il ne sera jamais un bon patriarche.

— Hélas ! sire, vous ne m’avez aucunement recommandé de pousser M. le dauphin au patriarcat.

— Et c’est un tort que j’ai eu. J’aurais dû songer qu’il se marierait un jour. Mais, bien qu’il n’ait point de passions, vous ne le condamnez point tout à fait ?

— Comment ?

— Je veux dire que vous ne le jugez point incapable d’en avoir un jour.

— Sire, j’ai peur.

— Comment, vous avez peur ?

— En vérité, dit lamentablement le pauvre duc, Votre Majesté me met au supplice.

— Monsieur de la Vauguyon, s’écria le roi qui commençait à s’impatienter, je vous demande clairement si, avec passion ou sans passion, M. le duc de Berry sera un bon époux. Je laisse de côté la qualification de père de famille et j’abandonne le patriarche.

— Eh bien, sire, voilà ce que je ne saurais précisément dire à Votre Majesté.

— Comment, voilà ce que vous ne sauriez me dire ?

— Non, sans doute, car je ne le sais pas, moi.

— Vous ne le savez pas ! s’écria Louis XV avec une stupéfaction qui fit osciller la perruque sur le chef de M. de la Vauguyon.