Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/145

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gestes répétés, venaient faire cortège à cet homme.

Gilbert se souleva par un dernier effort ; il sentait que là était le salut, car là était le calme et la puissance. Un dernier rayon de la flamme des charpentes, se ravivant pour mourir, éclaira le visage de cet homme. Il jeta un cri de surprise.

— Oh ! que je meure, que je meure, murmura Gilbert, mais qu’elle vive ! Cet homme a le pouvoir de la sauver.

Et, dans un élan d’abnégation sublime, soulevant la jeune fille sur ses deux poings :

— Monsieur le baron de Balsamo ! cria-t-il, sauvez mademoiselle Andrée de Taverney !

Balsamo entendit cette voix qui, comme celle de la Bible, criait des profondeurs de la foule ; il vit se lever au-dessus de cette onde dévorante une forme blanche ; son cortège bouleversa tout ce qui lui faisait obstacle ; et, saisissant Andrée que soutenaient encore les bras défaillants de Gilbert, il la prit, et, poussé par un mouvement de cette foule qu’il avait cessé de contenir, il l’emporta sans avoir le temps de détourner la tête.

Gilbert voulut articuler un dernier mot ; peut-être, après avoir imploré la protection de cet homme étrange pour Andrée, voulait-il la demander pour lui-même ; mais il n’eut que la force de coller ses lèvres au bras pendant de la jeune fille, et d’arracher, de sa main crispée, un morceau de la robe de cette nouvelle Eurydice que lui arrachait l’enfer.

Après ce baiser suprême, après ce dernier adieu, le jeune homme n’avait plus qu’à mourir ; aussi n’essaya-t-il point de lutter plus longtemps ; il ferma les yeux, et, mourant, tomba sur un monceau de morts.