Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/168

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M. de Jussieu regarda le jeune homme avec étonnement.

— Oh ! vous êtes froissé, mon enfant, bien froissé ; mais des toniques, de l’air, du loisir, et tout cela disparaîtra.

— Pas de loisir…, je n’en puis prendre, dit Gilbert en regardant Rousseau.

— Que veut-il dire ? demanda M. de Jussieu.

— Gilbert est un résolu travailleur, cher monsieur, répondit Rousseau.

— D’accord, mais on ne travaille pas ces jours-ci.

— Pour vivre ! dit Gilbert, on travaille tous les jours, car tous les jours on vit.

— Oh ! vous ne consommerez pas beaucoup de nourriture, et vos tisanes ne coûteront pas cher.

— Si peu qu’elles coûtent, monsieur, dit Gilbert, je ne reçois pas l’aumône.

— Vous êtes fou, dit Rousseau, et vous exagérez. Je vous dis, moi, que vous vous gouvernerez d’après les ordres de monsieur, car il sera votre médecin malgré vous. Croyez-vous, continua-t-il en s’adressant à M. de Jussieu, qu’il m’avait supplié de n’en pas appeler ?

— Pourquoi ?

— Parce que cela m’eût coûté de l’argent, et qu’il est fier.

— Mais, répliqua M. de Jussieu qui considérait avec le plus vif intérêt cette tête expressive et fine de Gilbert, si fier que l’on soit, on ne saurait faire plus que le possible… Vous croyez-vous en état de travailler, vous qui, pour avoir été à cette lucarne, êtes tombé en route ?

— C’est vrai, murmura Gilbert, je suis faible, je le sais.

— Eh bien, alors, reposez-vous, surtout moralement. Vous êtes l’hôte d’un homme avec lequel tout le monde compte, excepté son hôte.

Rousseau, bien heureux de cette politesse délicate de ce grand seigneur, lui prit la main et la serra.

— Et puis, ajouta M. de Jussieu, vous allez devenir l’objet des sollicitudes paternelles du roi et des princes.

— Moi ! s’écria Gilbert.

— Vous, pauvre victime de cette soirée… M. le dauphin, en