Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/204

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Quant à Gilbert, calme mais sombre, toute sa vie était dans cette seule pensée :

— Andrée quitte le pavillon du jardin et va à Trianon.

Sur le point culminant de ce coteau que gravissaient à pied les trois botanistes, on voyait s’élever le pavillon carré de Luciennes.

La vue de ce pavillon, d’où il avait fui, changea le cours des idées de Gilbert, pour le ramener à des souvenirs peu agréables, mais dans lesquels n’entrait aucune crainte. En effet, il marchait le dernier, voyait devant lui deux protecteurs, et se sentait bien appuyé ; il regarda donc Luciennes, comme un naufragé voit, du port, le banc de sable sur lequel se brisa son navire.

Rousseau, sa petite bêche à la main, commençait à regarder sur le sol ; M. de Jussieu aussi ; seulement, le premier cherchait des plantes, le second tâchait de garantir ses bas de l’humidité.

— L’admirable Lepopodium ! dit Rousseau.

— Charmant, répliqua M. de Jussieu ; mais passons, voulez-vous ?

— Ah ! la lyrimachia fenella ! Elle est bonne à prendre, voyez.

— Prenez-la si cela vous fait plaisir.

— Ah çà ! mais nous n’herborisons donc pas ?

— Si fait, si fait… Mais je crois que sur le plateau là-bas nous trouverons mieux.

— Comme il vous plaira… Allons donc.

— Quelle heure est-il ? demanda M. de Jussieu ; dans ma précipitation à m’habiller, j’ai oublié ma montre.

Rousseau tira de son gousset une grosse montre d’argent.

— Neuf heures, dit-il.

— Si nous nous reposions un peu ? voulez-vous ? demanda M. de Jussieu.

— Oh ! que vous marchez mal, dit Rousseau. Voilà ce que c’est que d’herboriser en souliers fins et en bas de soie.

— J’ai peut-être faim, voyez-vous.