Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/214

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arrachant avec distraction une pincée de cheveux à Zamore et en se couchant tout à fait, plus voluptueuse et plus belle sur son sofa que Vénus sur sa conque marine.

Zamore, peu sensible à toutes ces poses, rugit de colère. La comtesse le calma en prenant sur la table une poignée de dragées, qu’elle introduisit dans ses poches.

Mais Zamore, en faisant la moue, retourna sa poche et vida ses dragées sur le parquet.

— Ah ! petit drôle ! continua la comtesse en allongeant une jambe fine, dont l’extrémité alla se mettre en contact avec les chausses fantastiques du négrillon.

— Oh ! grâce ! s’écria le vieux maréchal, foi de gentilhomme, vous le tuerez.

— Que ne puis-je tuer aujourd’hui tout ce qui me déplaît ! dit la comtesse ; je me sens impitoyable.

— Ah ! çà ! mais, dit le duc, je vous déplais donc, moi ?

— Oh ! non, pas vous, au contraire : vous êtes mon vieil ami, et je vous adore ; mais c’est qu’en vérité, voyez-vous, je suis folle.

— C’est donc une maladie que vous ont donnée ceux que vous rendez fous ?

— Prenez garde ! vous m’agacez horriblement avec vos galanteries dont vous ne pensez pas un mot.

— Comtesse, comtesse ! je commence à croire, non pas que vous êtes folle, mais ingrate.

— Non, je ne suis ni folle ni ingrate, je suis…

— Eh bien, voyons, qu’êtes-vous ?

— Je suis colère, monsieur le duc.

— Ah ! vraiment.

— Cela vous étonne ?

— Pas le moindrement, comtesse ; et, sur mon honneur, il y a bien de quoi.

— Tenez, voilà ce qui me révolte en vous, maréchal.

— Il y a quelque chose qui vous révolte en moi, comtesse ?

— Oui.

— Et quelle est cette chose, s’il vous plaît ? Je suis bien