son pot de rouge et commença de se frotter les joues avec acharnement.
Le roi vit, de l’antichambre, à quelle occupation se livrait la comtesse.
— Fi ! dit-il en entrant ; la méchante, elle se farde !
— Ah ! bonjour, sire, dit la comtesse sans se déranger de devant sa glace, et sans s’interrompre de son opération.
— Vous ne m’attendiez donc pas, comtesse ? demanda le roi.
— Pourquoi donc cela, sire ?
— Que vous salissiez ainsi votre figure ?
— Au contraire, sire, j’étais sûre que la journée ne se passerait point sans que j’eusse l’honneur de voir Votre Majesté.
— Ah ! comme vous me dites cela, comtesse.
— Vous trouvez ?
— Oui. Vous êtes sérieuse comme M. Rousseau quand il écoute sa musique.
— C’est qu’en effet, sire, j’ai quelque chose de sérieux à dire à Votre Majesté.
— Ah ! bon ! je vous vois venir, comtesse.
— Vraiment ?
— Oui, des reproches ?
— Moi ? Allons donc, sire… Et pourquoi, je vous prie ?
— Mais parce que je ne suis pas venu hier.
— Oh ! sire, vous me rendrez cette justice, que je n’ai pas la prétention de confisquer Votre Majesté.
— Jeannette, tu te fâches.
— Oh ! non pas, sire, je suis toute fâchée.
— Écoutez, comtesse, je vous assure que je n’ai pas cessé de songer à vous.
— Bah !
— Et que cette soirée m’a semblé éternelle.
— Mais, encore un coup, sire, je ne vous parle point de cela, ce me semble. Votre Majesté passe ses soirées où il lui plaît, cela ne regarde personne.
— En famille, madame, en famille.