Aller au contenu

Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/230

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— J’ai un moyen merveilleux, et je vais le mettre à exécution.

— C’est ?… demanda le roi inquiet.

— C’est de m’en aller purement et simplement.

Le roi haussa les épaules.

— Ah ! vous n’y croyez pas, sire ?

— Ma foi, non.

— C’est que vous ne vous donnez pas la peine de raisonner. Vous me confondez avec d’autres.

— Comment cela ?

— Sans doute. Madame de Châteauroux voulait être déesse ; madame de Pompadour voulait être reine ; les autres voulaient être riches, puissantes, humilier les femmes de la cour du poids de leur faveur. Moi, je n’ai aucun de ces défauts.

— C’est vrai.

— Tandis que j’ai beaucoup de qualités.

— C’est encore vrai.

— Vous ne dites pas un mot de ce que vous pensez.

— Oh ! comtesse ! personne n’est plus convaincu que moi de ce que vous valez.

— Soit, mais écoutez ; ce que je vais dire ne peut pas nuire à votre conviction.

— Dites.

— D’abord, je suis riche et n’ai besoin de personne.

— Vous voulez me le faire regretter, comtesse.

— Ensuite, je n’ai pas le moindre orgueil pour tout ce qui flattait ces dames, le moindre désir pour ce qu’elles ambitionnaient ; j’ai toujours voulu aimer mon amant avant toute chose, mon amant fût-il mousquetaire, mon amant fût-il roi. Du jour où je n’aime plus, je ne tiens à rien.

— Espérons que vous tenez encore un peu à moi, comtesse.

— Je n’ai pas fini, sire.

— Continuez donc, madame.

— J’ai encore à dire à Votre Majesté que je suis jolie, que je suis jeune, que j’ai encore devant moi dix années de beauté, que je serai non seulement la plus heureuse femme du monde, mais encore la plus honorée, du jour où je ne serai plus la maîtresse