Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/24

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Gilbert, qui comprit qu’il s’était trop avancé, fit un mouvement en arrière.

Ni le mouvement ni la cause qui l’avait produit n’échappèrent à Rousseau ; il comprit que Gilbert tremblait d’être vu.

— Non pas, dit-il, en saisissant le jeune homme par le poignet ; non pas, mon jeune ami ; il y a là-dessous quelque trame, on désigne votre mansarde ; placez-vous là, s’il vous plaît.

Et il l’emmena en face de la fenêtre, découvert, éclatant.

— Oh ! non, monsieur, non, par grâce ! s’écria Gilbert en se tordant pour échapper.

Mais pour échapper, ce qui était facile à un jeune homme fort et agile comme Gilbert, il fallait engager une lutte avec son dieu ; le respect le retenait.

— Vous connaissez ces femmes, dit Rousseau, et elles vous connaissent ?

— Non, non, non, monsieur.

— Alors si vous ne les connaissez pas et que vous leur soyez inconnu, pourquoi ne pas vous montrer ?

— Monsieur Rousseau, vous avez eu parfois des secrets dans votre vie, n’est-ce pas ? Eh bien ! pitié pour un secret.

— Ah ! traître ! s’écria Rousseau, oui, je connais les secrets de cette espèce, tu es une créature des Grimm, des d’Holbach, ils t’ont fait apprendre un rôle pour capter ma bienveillance, tu t’es introduit chez moi et tu me livres ; oh ! triple sot que je suis, oh ! stupide amant de la nature, je crois secourir un de mes semblables, et j’amène chez moi un espion.

— Un espion ! s’écria Gilbert révolté.

— Voyons ! quel jour me vendras-tu, Judas ? dit Rousseau se frappant avec la robe de Thérèse, qu’il avait machinalement gardée à sa main, et se croyant sublime de douleur, quand malheureusement il n’était que risible.

— Monsieur, vous me calomniez, dit Gilbert.

— Te calomnier, petit serpent, s’écria Rousseau, quand je te trouve occupé à correspondre par gestes avec mes ennemis, à leur raconter par signes, peut-être, que sais-je, le sujet de mon dernier ouvrage !

— Monsieur, si j’étais venu chez vous pour trahir le secret