Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/259

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moment où par hasard ses fonctions de juge lui laisseraient le temps de manger un morceau.

Or, il en était de même chez Louis XV. Pour les chasses de l’après-midi, il avait deux ou trois daims lancés à deux ou trois heures différentes, et, selon la disposition où il était, il choisissait un hallali prompt ou éloigné.

Ce jour-là, Sa Majesté avait déclaré qu’elle chasserait jusqu’à quatre heures. On avait donc choisi un daim lancé depuis midi, et qui promettait d’aller jusque-là.

De son côté, madame du Barry se promettait de suivre le roi, aussi fidèlement que le roi avait promis de suivre le daim.

Mais les veneurs proposent et le hasard dispose. Une combinaison du hasard changea ce beau projet de madame du Barry.

La comtesse avait trouvé dans le hasard un adversaire presque aussi capricieux qu’elle.

Tandis que, tout en causant politique avec monsieur de Richelieu, la comtesse courait après Sa Majesté, laquelle de son côté courait après le daim, et que le duc et elle renvoyaient une portion des saluts qu’ils rencontraient en chemin, ils aperçurent tout à coup, à une cinquantaine de pas de la route, sous un admirable dais de verdure, une pauvre calèche brisée qui tournait piteusement ses deux roues du côté du ciel, tandis que les deux chevaux noirs qui eussent dû la traîner rongeaient paisiblement, l’un l’écorce d’un hêtre, l’autre la mousse qui s’étendait à ses pieds.

Les chevaux de madame du Barry, magnifique attelage donné par le roi, avaient distancé, comme on dit aujourd’hui, toutes les autres voitures, et étaient arrivés les premiers en vue de cette calèche brisée.

— Tiens ! un malheur, fit tranquillement la comtesse.

— Ma foi, oui, fit le duc de Richelieu avec le même flegme, car à la cour on use peu de sensiblerie ; ma foi, oui, la calèche est en morceaux.

— Est-ce un mort que je vois là-bas sur l’herbe ? demanda la comtesse. Regardez donc, duc.