Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/262

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d’une affaire pressée ; je me suis mis à sa poursuite ; mais, grâce à ce maudit cocher, je manquerai non seulement l’oreille du roi, mais encore mon rendez-vous en ville.

— Voyez-vous, madame, dit le duc en riant, monseigneur vous avoue nettement les choses… ; monseigneur a un rendez-vous.

— Que je manquerai, je le répète, répliqua l’Éminence.

— Est-ce qu’un Rohan, un prince, un cardinal, manque quelque chose ? dit la comtesse.

— Dame ! fit le prince, à moins d’un miracle.

Le duc et la comtesse se regardèrent, ce mot leur rappelait un souvenir récent.

— Ma foi, prince, dit la comtesse, puisque vous parlez de miracle, je vous avouerai franchement une chose, c’est que je suis bien aise de rencontrer un prince de l’Église pour lui demander s’il y croit.

— À quoi, madame ?

— Aux miracles, parbleu ! dit le duc.

— Les Écritures nous en font un article de foi, madame, dit le cardinal essayant de prendre un air croyant.

— Oh ! je ne parle pas des miracles anciens, repartit la comtesse.

— Et de quels miracles parlez-vous donc, madame ?

— Des miracles modernes.

— Ceux-ci, je l’avoue, sont plus rares, dit le cardinal. Cependant…

— Cependant, quoi ?

— Ma foi ! j’ai vu des choses qui, si elles n’étaient pas miraculeuses, étaient au moins fort incroyables.

— Vous avez vu de ces choses-là, prince ?

— Sur mon honneur.

— Mais vous savez bien, madame, dit Richelieu en riant, que Son Éminence passe pour être en relation avec les esprits, ce qui n’est peut-être pas fort orthodoxe.

— Non, mais ce qui doit être fort commode, dit la comtesse.

— Et qu’avez-vous vu, prince ?