nous changeons de nom à toutes les générations… et, en 1725, c’était la mode des noms en us, en os et en as, et il ne m’étonnerait pas quand, à cette époque, il m’aurait pris la fantaisie de troquer mon nom contre quelque nom grec ou latin. Ceci posé, je suis à vos ordres, madame la comtesse, à vos ordres, monsieur le duc…
— Comte, nous venons vous consulter, le maréchal et moi.
— C’est beaucoup d’honneur que vous me faites, madame, surtout si c’est naturellement que cette idée vous est venue.
— Le plus naturellement du monde, comte ; votre prédiction me court par la tête ; seulement, je doute qu’elle se réalise.
— Ne doutez jamais de ce que dit la science, madame.
— Oh ! oh ! fit Richelieu, c’est que notre couronne est bien aventurée, comte… Il ne s’agit pas ici d’une blessure que l’on guérit avec trois gouttes d’élixir.
— Non, mais d’un ministre que l’on renverse avec trois paroles…, répliqua Balsamo. Eh bien ! ai-je deviné ? dites, voyons.
— Parfaitement, dit la comtesse toute tremblante. En vérité, duc, que dites-vous de tout cela ?
— Oh ! ne vous étonnez pas pour si peu, madame, dit Balsamo, qui, voyant madame du Barry et Richelieu inquiets, doit deviner pourquoi, sans sorcellerie.
— Aussi, ajouta le maréchal, vous adorerai-je si vous nous indiquez le remède.
— À la maladie qui vous travaille ?
— Oui, nous avons le Choiseul.
— Et vous voudriez bien en être guéris ?
— Oui, grand magicien, justement.
— Monsieur le comte, vous ne nous laisserez pas dans l’embarras, dit la comtesse ; il y va de votre honneur.
— Je suis tout prêt à vous servir de mon mieux, madame ; cependant, je voudrais savoir si M. le duc n’avait pas d’avance quelque idée arrêtée en venant ici.
— Je l’avoue, monsieur le comte. Ma foi, c’est charmant