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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/284

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— Oh ! comtesse, ce serait trop cher ; d’autant plus que cette lettre…

— Cette lettre ?

— Je vous la donnerai pour rien, moi.

Et Balsamo tira de sa poche un papier plié en quatre.

— Qu’est cela ? demanda la comtesse, dévorant le papier des yeux.

— Oui, qu’est cela ? interrogea le duc.

— La lettre que vous désirez.

Et le comte, au milieu du plus profond silence, lut aux deux auditeurs émerveillés la lettre que nos lecteurs connaissent déjà.

Au fur et à mesure qu’il lisait, la comtesse ouvrait de grands yeux et commençait à perdre contenance.

— C’est une calomnie, diable ! prenons garde ! murmura Richelieu, quand Balsamo eut achevé.

— C’est, monsieur le duc, la copie pure, simple et littérale, d’une lettre de madame la duchesse de Grammont, qu’un courrier expédié ce matin de Rouen est en train de porter à M. le duc de Choiseul, à Versailles.

— Oh ! mon Dieu ! s’écria le maréchal, dites-vous vrai, monsieur Balsamo ?

— Je dis toujours vrai, monsieur le maréchal.

— La duchesse aurait écrit une semblable lettre ?

— Oui, monsieur le maréchal.

— Elle aurait eu cette imprudence ?

— C’est incroyable, je l’avoue ; mais cela est.

Le vieux duc regarda la comtesse, qui n’avait plus la force d’articuler un seul mot.

— Eh bien, dit-elle enfin, je suis comme le duc, j’ai peine à croire, pardonnez-moi, monsieur le comte, que madame de Grammont, une femme de tête, ait compromis toute sa position et celle de son frère par une lettre de cette force… D’ailleurs… pour connaître une semblable lettre, il faut l’avoir lue.

— Et puis, se hâta de dire le maréchal, si monsieur le comte avait lu cette lettre, il l’aurait gardée : c’est un trésor précieux.