— Dis-moi si cette chambre est de ton goût ?
— Ordonne-moi de voir alors.
— Vois.
— Oh ! la charmante chambre ! dit-elle.
— Elle te plaît donc ? demanda le comte avec douceur.
— Oh ! oui : voilà mes fleurs favorites, mes héliotropes vanille, mes roses pourpres, mes jasmins de la Chine. Merci, mon tendre Joseph, que tu es bon !
— Je fais ce que je peux pour te plaire, Lorenza.
— Oh ! tu fais cent fois plus que je ne mérite.
— Tu en conviens donc ?
— Oui.
— Tu avoues donc que tu as été bien méchante ?
— Bien méchante ! Oh ! oui. Mais tu me pardonnes, n’est-ce pas ?
— Je te pardonnerai quand tu m’auras expliqué cet étrange mystère contre lequel je lutte depuis que je te connais.
— Écoute, Balsamo. C’est qu’il y a en moi deux Lorenza bien distinctes : une qui t’aime et une qui te déteste, comme il y a en moi deux existences opposées : l’une pendant laquelle j’absorbe toutes les joies du paradis, l’autre pendant laquelle j’éprouve tous les tourments de l’enfer.
— Et ces deux existences sont, l’une, le sommeil, et l’autre, la veille, n’est-ce-pas ?
— Oui.
— Et tu m’aimes quand tu dors, et tu me détestes quand tu veilles ?
— Oui.
— Pourquoi cela ?
— Je ne sais.
— Tu dois le savoir ?
— Non.
— Cherche bien, regarde en toi-même, sonde ton propre cœur.
— Ah ! oui… Je comprends maintenant.
— Parle.
— Quand Lorenza veille, c’est la Romaine, c’est la fille superstitieuse