Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/37

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de l’Italie ; elle croit que la science est un crime et l’amour un péché. Alors elle a peur du savant Balsamo, elle a peur du beau Joseph. Son confesseur lui a dit qu’en t’aimant elle perdrait son âme, et elle te fuira, toujours, sans cesse, jusqu’au bout du monde.

— Et quand Lorenza dort ?

— Oh ! c’est autre chose alors ; elle n’est plus Romaine, elle n’est plus superstitieuse, elle est femme. Alors elle voit dans le cœur et dans l’esprit de Balsamo ; elle voit que ce génie rêve des choses sublimes. Alors elle comprend combien elle est peu de chose, comparée à lui. Et elle voudrait vivre et mourir près de lui, afin que l’avenir prononçât tout bas le nom de Lorenza, en même temps qu’il prononcera tout haut le nom de… Cagliostro !

— C’est donc sous ce nom que je deviendrai célèbre ?

— Oui, oui, c’est sous ce nom.

— Chère Lorenza ! tu aimeras donc ce nouveau logement ?

— Il est bien plus riche que tous ceux que tu m’as déjà donnés, mais ce n’est pas pour cela que je l’aime.

— Et pourquoi l’aimes-tu ?

— Parce que tu promets de l’habiter avec moi.

— Ah ! quand tu dors, tu sais donc bien que je t’aime ardemment, avec passion ?

La jeune femme ramena contre elle ses deux genoux qu’elle prit dans ses bras, et tandis qu’un pâle sourire effleurait ses lèvres :

— Oui, je le vois, dit-elle. Oui, je le vois, et cependant, cependant, ajouta-t-elle avec un soupir, il y a quelque chose que tu aimes plus que Lorenza.

— Et quoi donc ? demanda Balsamo en tressaillant.

— Ton rêve.

— Dis mon œuvre.

— Ton ambition.

— Dis ma gloire.

— Oh ! mon Dieu ! mon Dieu !

Le cœur de la jeune femme s’oppressa, des larmes silencieuses coulèrent à travers ses paupières fermées.