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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/40

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Et, plus avide que jamais, elle entoura de ses deux bras Balsamo qui lui-même, tout imprégné de la flamme électrique, ne résistait plus que faiblement.

Il fit cependant un effort, et dénoua le lien vivant qui l’enveloppait.

— Lorenza ! Lorenza ! dit-il, par pitié !…

— Je suis ta femme et non ta fille ! Aime-moi comme un époux aime sa femme, et non comme mon père m’aimait.

— Lorenza ! dit Balsamo tout frémissant lui-même de désirs, ne me demande pas, je t’en supplie, un autre amour que celui que je te puis donner.

— Mais, s’écria la jeune femme en levant ses deux bras désespérés au ciel, ce n’est pas de l’amour, cela, ce n’est pas de l’amour !

— Oh ! si, c’est de l’amour… mais de l’amour saint et pur, comme on le doit à une vierge.

La jeune femme fit un brusque mouvement qui déroula les longues nattes de ses cheveux noirs. Son bras, si blanc et si nerveux à la fois, s’élança presque menaçant vers le comte.

— Oh ! que signifie donc cela ? dit-elle d’une voix brève et désolée. Et pourquoi m’as-tu fait abandonner mon pays, mon nom, ma famille, tout, jusqu’à mon Dieu ? Car ton Dieu ne ressemble pas au mien. Pourquoi as-tu pris sur moi cet empire absolu, qui fait de moi ton esclave, qui fait de ma vie ta vie, de mon sang ton sang ? Entends-tu bien ? Pourquoi as-tu fait toutes ces choses, si c’est pour m’appeler la vierge Lorenza ?

Balsamo soupira à son tour, écrasé sous l’immense douleur de cette femme au cœur brisé.

— Hélas ! dit-il, c’est ta faute, ou plutôt la faute de Dieu ; pourquoi Dieu a-t-il fait de toi cet ange au regard infaillible à l’aide duquel je soumettrai l’univers ; pourquoi lis-tu dans tous les cœurs au travers de leur enveloppe matérielle comme on lit une page derrière une vitre ? C’est parce que tu es l’ange de pureté, Lorenza ! c’est parce que tu es le diamant sans tache, c’est parce que rien ne fait ombre en ton esprit ; c’est que Dieu voyant cette forme immaculée, pure et radieuse, comme celle