Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/41

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de sa sainte Mère, veut bien y laisser descendre, quand je l’invoque, au nom des éléments qu’il a faits, son Saint-Esprit, qui d’ordinaire plane au-dessus des êtres vulgaires et sordides, faute de trouver en eux une place sans souillure sur laquelle il puisse se reposer. Vierge, tu es voyante, ma Lorenza ; femme, tu ne serais plus que matière.

— Et tu n’aimes pas mieux mon amour, s’écria Lorenza, en frappant avec rage dans ses belles mains qui s’empourprèrent, et tu n’aimes pas mieux mon amour que tous les rêves que tu poursuis, que toutes les chimères que tu te crées ? Et tu me condamnes à la chasteté de la religieuse, avec les tentations de l’ardeur inévitable de ta présence ? Ah ! Joseph, Joseph, tu commets un crime, c’est moi qui te le dis.

— Ne blasphème pas, ma Lorenza, s’écria Balsamo, car, comme toi, je souffre. Tiens, tiens, lis dans mon cœur, je le veux, et dis encore que je ne t’aime pas.

— Mais alors, pourquoi résistes-tu à toi-même ?

— Parce que je veux t’élever avec moi sur le trône du monde.

— Oh ! ton ambition, Balsamo, murmura la jeune femme, ton ambition te donnera-t-elle jamais ce que te donne mon amour ?

Éperdu à son tour, Balsamo laissa aller sa tête sur la poitrine de Lorenza.

— Oh ! oui, oui, s’écria-t-elle, oui, je vois enfin que tu m’aimes plus que ton ambition, plus que ta puissance, plus que ton espoir. Oh ! tu m’aimes comme je t’aime, enfin !

Balsamo essaya de secouer le nuage enivrant qui commençait à noyer sa raison. Mais son effort fut inutile.

— Oh ! puisque tu m’aimes tant, dit-il, épargne-moi.

Lorenza n’écoutait plus ; elle venait de faire de ses deux bras une de ces invincibles chaînes plus tenaces que les crampons d’acier, plus solides que le diamant.

— Je t’aime comme tu voudras, dit-elle, sœur ou femme, vierge ou épouse, mais un baiser, un seul.

Balsamo était subjugué ; vaincu, brisé par tant d’amour,