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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/42

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sans force pour résister davantage, les yeux ardents, la poitrine haletante, la tête renversée, il s’approchait de Lorenza, aussi invinciblement attiré que l’est le fer par l’aimant.

Ses lèvres allaient toucher les lèvres de la jeune femme !

Soudain la raison lui revint.

Ses mains fouettèrent l’air chargé d’enivrantes vapeurs.

— Lorenza ! s’écria-t-il, réveillez-vous, je le veux !

Aussitôt cette chaîne, qu’il n’avait pu briser, se relâcha, les bras qui l’enlaçaient se détendirent, le sourire ardent qui entourait les lèvres desséchées de Lorenza s’effaça languissant comme un reste de vie au dernier soupir ; ses yeux fermés s’ouvrirent, ses pupilles dilatées se resserrèrent ; elle secoua les bras avec effort, fit un grand mouvement de lassitude et retomba étendue, mais éveillée, sur le sofa.

Balsamo, assis à trois pas d’elle, poussa un profond soupir.

— Adieu le rêve, murmura-t-il ; adieu le bonheur.


LVII

LA DOUBLE EXISTENCE. — LA VEILLE.


Aussitôt que le regard de Lorenza eut recouvré sa puissance, elle jeta un rapide coup d’œil autour d’elle.

Après avoir examiné chaque chose sans qu’aucun de ces mille riens qui font la joie des femmes parût dérider la gravité de sa physionomie, la jeune femme arrêta ses yeux sur Balsamo avec un tressaillement douloureux.

Balsamo était assis et attentif, à quelques pas d’elle.

— Encore vous ? fit-elle en se reculant.

Et tous les signes de l’effroi apparurent sur sa physionomie ; ses lèvres pâlirent, la sueur perla à la racine de ses cheveux.

Balsamo ne répondit point.