Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/57

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— Ah ! ah ! fit le prince.

Et il redoubla d’attention.

Balsamo étendit sur la dalle un lit d’étoupes blanches en guise de rempart. Il se plaça entre l’enclume et le fourneau, ouvrit un grand livre, récita, baguette en main, une incantation, puis saisissant une tenaille gigantesque destinée à enfermer le creuset dans ses bras tordus :

— L’or sera superbe, dit-il, monseigneur, et de première qualité.

— Comment ! demanda le prince, vous allez enlever ce pot de feu ?

— Qui pèse cinquante livres, oui, monseigneur ; oh ! peu de fondeurs, je vous le déclare, ont mes muscles et ma dextérité, ne craignez donc rien.

— Cependant, si le creuset éclatait…

— Cela m’est arrivé une fois, monseigneur ; c’était en 1399, je faisais une expérience avec Nicolas Flamel, en sa maison de la rue des Écrivains, près la chapelle Saint-Jacques-la-Boucherie. Le pauvre Flamel faillit y perdre la vie, et moi j’y perdis vingt-sept marcs d’une substance plus précieuse que l’or.

— Que diable me dites-vous là, maître ?

— La vérité.

— En 1399, vous poursuiviez le grand œuvre ?

— Oui, monseigneur.

— Avec Nicolas Flamel ?

— Avec Nicolas Flamel. Nous trouvâmes le secret ensemble. Cinquante ou soixante ans auparavant, en travaillant avec Pierre le Bon, dans la ville de Pola. Il ne boucha point le creuset assez vite, et j’eus l’œil droit perdu pendant dix ou douze ans par l’évaporation.

— Pierre le Bon ?

— Celui qui composa le fameux ouvrage de la Margarita pretiosa, ouvrage que vous connaissez, sans doute ?

— Oui, et qui porte la date de 1330.

— C’est justement cela, monseigneur.

— Et vous avez connu Pierre le Bon et Flamel ?