Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/63

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pourquoi l’inutile ? J’ai été droit à celle qu’il faut attaquer ; oh ! celle-là vibre profondément, j’en suis sûr.

Le cardinal releva la tête, et, par un dernier effort de défiance, interrogea le regard si clair et si assuré de Balsamo.

Balsamo souriait avec une telle expression de supériorité que le cardinal baissa les yeux.

— Oh ! vous avez raison, monseigneur, vous avez raison, ne me regardez point ; car alors je vois trop clairement ce qui se passe dans votre cœur ; car votre cœur est comme un miroir qui garderait la forme des objets qu’il y réfléchit.

— Silence, comte de Fœnix, silence, dit le cardinal subjugué.

— Oui, vous avez raison, silence, car le moment n’est pas encore venu de laisser voir un pareil amour.

— Pas encore, avez-vous dit ?

— Pas encore.

— Cet amour a donc un avenir ?

— Pourquoi pas ?

— Et vous pourriez me dire, vous, si cet amour n’est pas insensé, comme je l’ai cru moi-même, comme je le crois encore, comme je le croirai jusqu’au moment où une preuve du contraire me sera donnée ?

— Vous demandez beaucoup, monseigneur ; je ne puis rien vous dire sans être mis en contact avec la personne qui vous inspire cet amour, ou avec quelque objet venant d’elle.

— Et quel objet faudrait-il pour cela ?

— Une tresse de ses beaux cheveux dorés, si petite qu’elle soit, par exemple.

— Oh ! oui, vous êtes un homme profond ! Oui, vous l’avez dit, vous lisez dans les cœurs comme je lirais, moi, dans un livre.

— Hélas ! c’est ce que me disait votre pauvre arrière-grand-oncle, le chevalier Louis de Rohan, lorsque je lui fis mes adieux sur la plate-forme de la Bastille, au pied de l’échafaud sur lequel il monta si courageusement.

— Il vous dit cela ?… que vous étiez un homme profond ?

— Et que je lisais dans les cœurs. Oui, car je l’avais prévenu