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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/89

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— Certainement, dit le roi.

Et il se leva.

Une heure après, Sa Majesté avait regagné le grand Trianon, toute joyeuse d’avoir inspiré de la jalousie ; mais en redisant à demi-voix, comme eût pu le faire M. de Richelieu à trente ans :

— En vérité, c’est bien ennuyeux les femmes jalouses !

Aussitôt le roi parti, madame du Barry se leva à son tour et passa dans son boudoir, où l’attendait Chon, impatiente de savoir des nouvelles.

— Eh bien, dit-elle, tu as eu un fier succès ces jours-ci : présentée avant-hier à la dauphine, admise à sa table hier.

— C’est vrai. Eh bien, la belle affaire !

— Comment ! la belle affaire ? Sais-tu qu’il y a à cette heure cent voitures courant après ton sourire du matin sur la route de Luciennes ?

— J’en suis fâchée.

— Pourquoi cela ?

— Parce que c’est du temps perdu ; ni voiture ni gens n’auront mon sourire ce matin.

— Oh ! oh ! comtesse, le temps est à l’orage ?

— Oui, ma foi ! Mon chocolat, vite mon chocolat !

Chon sonna.


Zamore parut.

— Mon chocolat, fit la comtesse.

Zamore partit lentement, comptant ses pas et faisant le gros dos.

— Ce drôle-là veut donc me faire mourir de faim ! cria la comtesse ; cent coups de fouet, s’il ne court pas.

— Moi pas courir, moi gouverneur ! dit majestueusement Zamore.

— Ah ! toi gouverneur ! dit la comtesse saisissant une petite cravache à pomme de vermeil, destinée à maintenir la paix entre les épagneuls et les griffons de la comtesse. Ah ! toi gouverneur ! attends, attends, tu vas voir, gouverneur !

Zamore, à cette vue, prit sa course en ébranlant toutes les cloisons et en poussant de grands cris.