Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 3.djvu/99

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son pain à une fontaine, habite bien près de l’endroit où on le rencontre ainsi fagoté, et alors il s’engagera à nous le retrouver.

— Que peut-il faire ici sans argent ?

— Des commissions.

— Lui ! un philosophe de cette sauvage espèce ? Allons donc !

— Il aura trouvé, dit Sylvie, quelque vieille dévote, sa parente, qui lui abandonne les croûtes trop vieilles pour son carlin.

— Assez, assez ; mettez le linge dans cette vieille armoire, Sylvie, et vous, mon frère, à notre observatoire !

Ils s’approchèrent en effet de la fenêtre avec de grandes précautions.

Andrée quitta sa broderie, elle étendit nonchalamment ses jambes sur un fauteuil, puis allongea la main vers un livre placé sur une chaise à sa portée, l’ouvrit et commença une lecture que les spectateurs jugèrent être des plus attachantes, car la jeune fille demeura immobile du moment qu’elle eut commencé.

— Oh ! la studieuse personne ! dit mademoiselle Chon ; que lit-elle là ?

— Premier meuble indispensable, répondit le vicomte en tirant de sa poche une lunette qu’il allongea et braqua sur Andrée, en l’appuyant, pour la fixer, à l’angle de la fenêtre.

Chon le regardait faire, avec impatience.

— Eh bien, voyons, est-elle vraiment belle, cette créature, ? demanda-t-elle au vicomte.

— Admirable, c’est une fille parfaite ; quels bras ! quelles mains ! quels yeux ! des lèvres à damner saint Antoine ; des pieds, oh ! les pieds divins ! et la cheville… quelle cheville sous ce bas de soie !

— Allons, bon ! devenez-en amoureux, maintenant, il ne nous manquerait plus que cela ! dit Chon avec humeur.

— Et bien, après ?… Cela ne serait pas déjà si mal joué, surtout si elle voulait m’aimer un peu à son tour ; cela rassurerait un peu notre pauvre comtesse.

— Voyons, passez-moi cette lorgnette, et trêve de balivernes,