Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Puis-je savoir quelle bonne chance vous amène, madame ? demanda madame du Barry.

— Ah ! madame, dit la vieille plaideuse, un grand malheur.

— Quoi donc, madame ?

— Une nouvelle qui affligera beaucoup Sa Majesté…

— Dites vite, madame.

— Les parlements…

— Ah ! ah ! grommela le duc d’Aiguillon.

— M. le duc d’Aiguillon, se hâta de dire la comtesse en présentant son hôte à sa visiteuse, dans la crainte de quelque malentendu.

Mais la vieille comtesse était aussi fine que tous les courtisans réunis, et elle ne faisait de malentendu qu’à bon escient, et lorsque le malentendu lui paraissait utile.

— Je sais, dit-elle, toutes les turpitudes de ces robins, et leur peu de respect pour le mérite et pour la naissance.

Ce compliment, décoché à bout portant sur le duc, attira un beau salut de celui-ci à la plaideuse, qui se leva et le lui rendit.

— Mais, poursuivit-elle, ce n’est plus de M. le duc qu’il s’agit, c’est de la population tout entière ; les parlements refusent de fonctionner.

— En vérité ! s’écria madame du Barry en se renversant sur le sofa, il n’y aura plus de justice en France !… Eh bien, après… quel changement cela fera-t-il ?

Le duc sourit. Madame de Béarn, au lieu de prendre plaisamment la chose, assombrit encore plus son visage morose.

— C’est un grand désastre, madame, dit-elle.

— Bah ! vraiment ? répondit la favorite.

— On voit bien, madame la comtesse, que vous avez le bonheur de n’avoir pas de procès.

— Hum ! fit M. d’Aiguillon pour appeler l’attention de madame du Barry, qui comprit enfin l’insinuation de la plaideuse.

— Hélas ! madame, dit-elle sur-le-champ, c’est vrai : vous me rappelez que si je n’ai pas de procès, vous avez un procès bien important, vous !

— Oh ! oui !… madame… et tout retard me sera ruineux.