Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/139

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du peuple en lui faisant croire, voir même quelquefois qu’il est une partie de l’État ; et, en le consultant parfois sur ses propres misères, il arborait un étendard autour duquel les masses se rallient toujours, l’esprit national.

« Il haïssait les Anglais, il haïssait la favorite, naturelle ennemie des classes laborieuses. Or, cet homme, s’il eût été un usurpateur, s’il eût été l’un de nous, s’il eût marché dans nos voies, agi dans notre but, cet homme, je l’eusse ménagé, je l’eusse maintenu au pouvoir, je l’eusse soutenu avec toutes les ressources que je puis créer pour mes protégés ; car, au lieu de recrépir la royauté vermoulue, il l’eût renversée avec nous au jour convenu. Mais il était de la classe aristocratique, mais il était né avec les respects du premier rang auquel il ne voulait pas prétendre, de la monarchie à laquelle il n’osait attenter ; il ménageait la royauté tout en méprisant le roi ; il faisait plus, il servait de bouclier à cette royauté sur laquelle nos coups se dirigeaient. Le parlement et le peuple, pleins de respect pour cette digue vivante opposée aux envahissements de la prérogative royale, se maintenaient eux-mêmes dans une résistance modérée, assurés qu’ils étaient d’une aide puissante quand le moment serait venu.

« J’ai compris la situation. J’ai entrepris la chute de M. de Choiseul.

« Cette œuvre puissante, à laquelle depuis dix ans s’attelaient tant de haines et tant d’intérêts, je l’ai commencée et terminée en quelques mois, par des moyens qu’il est inutile de vous dire. Par un secret qui est une de mes forces, force d’autant plus grande qu’elle demeurera éternellement cachée aux yeux de tous, et ne se manifestera jamais que par l’effet, j’ai renversé, chassé M. de Choiseul, et attaché à sa suite un long cortège de regrets, de désappointements, de lamentations et de colères.

« Voilà maintenant que le travail apporte ses fruits ; voilà que toute la France demande Choiseul et se soulève pour le reprendre, comme les orphelins se lèvent vers le ciel quand Dieu a pris leur père.