Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/144

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perdus, brisés, anéantis sous son immense ramure. Voilà ce que vous voulez, n’est-ce pas ? Vous ne l’obtiendrez pas de moi. Comme Dieu, j’ai su vivre, vingt, trente, quarante âges d’hommes. Comme Dieu, je suis éternel. Comme Dieu, je suis patient. Je porte mon sort, le vôtre, celui du monde dans le creux de ma main. Nul ne me fera ouvrir cette main pleine de vérités tonnantes que je ne consente à l’ouvrir. C’est la foudre qu’elle contient, je le sais ; eh bien, la foudre y séjournera comme dans la droite toute-puissante de Dieu.

« Messieurs, messieurs, abandonnons ces hauteurs trop sublimes et redescendons sur la terre.

« Messieurs, je vous le dis avec simplicité et avec conviction, il n’est pas temps encore ; le roi qui règne est un dernier reflet du grand roi que le peuple vénère encore, et il y a dans cette majesté qui s’efface quelque chose d’assez éblouissant encore pour balancer les éclairs de vos petits ressentiments. Celui-là est un roi, il mourra roi ; sa race est insolente, mais pure. Son origine, vous pouvez la lire sur son front, dans un geste, dans sa voix. Il sera toujours le roi, celui-là. Abattons-le, et il arrivera ce qui est arrivé à Charles Ier ; ses bourreaux se prosterneront devant lui, et les courtisans de son malheur, comme lord Capell, baiseront la hache qui aura tranché la tête de leur maître.

« Or, vous le savez tous, l’Angleterre s’est hâtée. Le roi Charles Ier est mort sur l’échafaud, c’est vrai, mais le roi Charles II, son fils, est mort sur le trône.

« Attendez, attendez, car voilà que les temps vont devenir propices.

« Vous vouliez détruire les lis. C’est notre devise à tous : Lilia pedibus destrue ; mais il ne faut pas qu’une seule racine permette à la fleur de saint Louis l’espoir de refleurir encore. Vous voulez détruire la royauté ? Pour que la royauté soit détruire à jamais, il faut qu’elle soit affaiblie de prestige et d’essence. Vous voulez détruire la royauté ? Attendez que la royauté ne soit plus un sacerdoce, mais un emploi ; qu’elle ne s’exerce plus dans un temple, mais dans une boutique. Or, ce qu’il y a de plus sacré dans la royauté, c’est-à-dire la légitime