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CV

LE CORPS ET L’AME.


Le dernier resté près du maître fut Marat, le chirurgien.

Il s’approcha humblement et fort pâle du terrible orateur dont la puissance était illimitée.

— Maître, demanda-t-il, ai-je donc en effet commis une faute ?

— Une grande, monsieur, dit Balsamo ; et, ce qu’il y a de pis, c’est que vous ne croyez pas l’avoir commise.

— Eh bien, oui, je l’avoue ; non seulement je ne crois pas avoir commis une faute, mais je crois avoir parlé comme il convient.

— Orgueil ! orgueil ! murmura Balsamo ; orgueil, démon destructeur ! Les hommes vont combattre la fièvre dans les veines du malade, la peste dans les eaux et dans les airs ; mais ils laissent l’orgueil pousser de si profondes racines dans leurs cœurs, qu’ils ne peuvent parvenir à l’extirper.

— Oh ! maître, dit Marat, vous avez de moi une bien triste opinion. Suis-je donc, en effet, si peu de chose que je ne puisse compter parmi mes semblables ? Ai-je si mal recueilli le fruit de mes travaux que je sois incapable de dire un mot sans être taxé d’ignorance ? Suis-je donc un si tiède adepte que l’on suspecte ma conviction ? N’eussé-je que cela, j’existe au moins par le dévouement à la sainte cause du peuple.

— Monsieur, répliqua Balsamo, c’est parce que le principe du bien lutte encore en vous contre celui du mal, qui me paraît devoir l’emporter un jour, que je tenterai de vous corriger de ces défauts. Si je dois y réussir, si l’orgueil ne l’a pas déjà emporté en vous sur tout autre sentiment, j’y réussirai en une heure.

— En une heure ? dit Marat.