Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Que dites-vous ? demanda Marat.

— Je dis que nous allons voir cela, monsieur, répliqua Balsamo. Entrons.

Marat s’engagea le premier dans l’allée étroite qui conduisait à cet amphithéâtre, situé au bout de la rue Hautefeuille.

Balsamo le suivit sans hésiter jusque dans la salle longue et étroite où, sur une table de marbre, on voyait deux cadavres étendus, l’un de femme, l’autre d’homme.

La femme était morte jeune. L’homme était vieux et chauve ; un méchant suaire leur voilait le corps, en laissant leurs visages à moitié découverts.

Tous deux étaient couchés côte à côte sur ce lit glacé, eux qui jamais peut-être ne s’étaient vus en ce monde, et dont les âmes, voyageant alors dans l’éternité, devaient être bien surprises de voir un pareil voisinage à leurs enveloppes mortelles.

Marat leva et jeta de côté, d’un seul mouvement, le linge grossier qui couvrait les deux malheureux que la mort avait faits égaux devant le scalpel du chirurgien.

Les deux cadavres étaient nus.

— La vue des morts ne vous répugne-t-elle pas ? dit Marat avec sa fanfaronnade ordinaire.

— Elle m’attriste, répliqua Balsamo.

— Défaut d’habitude, dit Marat. Moi, qui vois ce spectacle tous les jours, je n’en éprouve ni tristesse ni dégoût. Nous autres praticiens, voyez-vous, nous vivons avec les morts et nous n’interrompons pour eux aucune des fonctions de notre vie.

— C’est un triste privilège de votre profession, monsieur.

— Et puis, ajouta Marat, pourquoi m’attristerais-je ? ou pourquoi me dégoûterais-je ? Dans le premier cas, j’ai la réflexion ; dans le second, j’ai l’habitude.

— Expliquez-moi vos idées, dit Balsamo, je les comprends mal. La réflexion d’abord.

— Soit ! pourquoi m’effraierais-je ? pourquoi aurais-je peur