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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/154

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et passablement scandaleuse. Si vous appelez âme le mouvement qui faisait agir cette créature, vous ferez tort à nos âmes, qui doivent être de la même essence.

— Âme qu’on eût dû guérir, dit Balsamo, et qui s’est perdue faute du seul médecin qui soit indispensable, d’un médecin de l’âme.

— Hélas ! hélas ! mon maître, c’est encore là une de vos théories. Il n’y a de médecins que pour les corps, dit Marat avec un rire amer. Et tenez, maître, vous avez en ce moment sur les lèvres un mot que Molière a mis souvent dans ses comédies, et c’est ce mot qui vous fait sourire.

— Non, dit Balsamo, vous vous trompez et ne pouvez savoir à quelle chose je souris. Pour le moment, ce que nous concluons, n’est-ce pas, c’est que ces cadavres sont vides ?

— Et insensibles, dit Marat en soulevant la tête de la jeune femme et en la laissant retomber bruyamment sur le marbre, sans que le corps eût seulement bougé ou frémi.

— Très-bien, dit Balsamo ; passons à l’hôpital maintenant.

— Un instant, maître, pas avant, je vous prie, que j’aie détaché du tronc cette tête qui me fait envie, et qui a été le siège d’une maladie fort curieuse. Vous permettez ?

— Comment donc ! dit Balsamo.

Marat ouvrit sa trousse, en tira un bistouri et ramassa dans un coin un gros maillet de bois tout pointillé de taches de sang.

Alors, d’une main exercée, il pratiqua une incision circulaire, qui sépara toutes les chairs et tous les muscles du cou ; puis, arrivé à l’os, il glissa son bistouri entre deux jointures de la colonne vertébrale, et frappa dessus avec le maillet un coup énergique et sec.

La tête roula sur la table, et de la table à terre. Marat fut obligé de la ressaisir de ses mains humides.

Balsamo se détourna pour ne pas donner trop de joie au triomphateur.

— Un jour, dit Marat, qui croyait prendre le maître en faiblesse, un jour quelque philanthrope s’occupera de la mort comme les autres s’occupent de la vie, trouvera une machine