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Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/161

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Balsamo passa au chevet du lit.

— À partir de ce moment, dit-il, ne bougez plus que je ne l’ordonne.

Une statue couchée sur un tombeau n’eût pas été plus immobile que ne le devint le malade à cette injonction.

— Maintenant, opérez, monsieur, dit Balsamo ; le malade est parfaitement disposé.

Le chirurgien prit son bistouri ; mais, au moment de s’en servir, il hésita.

— Taillez, monsieur, taillez, vous dis-je, fit Balsamo avec l’air d’un prophète inspiré.

Celui-ci, dominé comme Marat, comme le malade, comme tout le monde, approcha l’acier de la chair.

La chair cria, mais le malade ne poussa pas un soupir, ne fit pas un mouvement.

— De quel pays êtes-vous, mon ami ? demanda Balsamo.

— Je suis Breton, monsieur, répondit le malade en souriant.

— Et vous aimez votre pays ?

— Oh ! monsieur, il est si beau !

Le chirurgien faisait pendant ce temps les incisions circulaires à l’aide desquelles, dans les amputations, on commence par mettre l’os à découvert.

— L’avez-vous quitté jeune ? demanda Balsamo.

— À dix ans, monsieur.

Les incisions étaient faites, le chirurgien approchait la scie de l’os.

— Mon ami, dit Balsamo, chantez-moi donc cette chanson que les sauniers de Batz chantent en rentrant le soir, après la journée faite. Je ne me rappelle que le premier vers.

À mon sel couvert d’écume.

La scie mordait les os.

Mais, à l’invitation de Balsamo, le malade sourit et commença de chanter mélodieusement, lentement, en extase, comme un amant ou comme un poëte :