Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/163

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et pria le chirurgien en chef d’appliquer cette charpie sur les artères.

Celui-ci obéit avec une certaine curiosité.

C’était un des plus célèbres praticiens de cette époque, un homme vraiment amoureux de la science, qui ne répudiait aucun de ses mystères, et pour qui le hasard n’était que le pis-aller du doute.

Il appliqua le petit tampon sur l’artère, qui frémit, bouillonna, et ne laissa plus passer le sang que goutte à goutte.

Dès lors, il put lier l’artère avec la plus grande facilité.

Pour le coup, Balsamo obtint un véritable triomphe, et chacun lui demanda où il avait étudié et de quelle école il était.

— Je suis un médecin allemand de l’école de Gœttingue, dit-il, et j’ai fait la découverte que vous voyez. Je désire cependant, messieurs et chers confrères, que cette découverte demeure encore un secret, car j’ai grand-peur du fagot, et le parlement de Paris se déciderait peut-être à juger encore une fois pour le plaisir de condamner un sorcier au feu.

Le chirurgien en chef demeurait rêveur.

Marat rêvait et réfléchissait.

Cependant il reprit le premier la parole.

— Vous prétendiez, dit-il, tout à l’heure que, si vous interrogiez cet homme sur le résultat de cette opération, il répondrait sûrement, quoique ce résultat soit encore caché dans l’avenir ?

— Je le prétends encore, dit Balsamo.

— Eh bien, voyons.

— Comment s’appelle ce pauvre diable ?

— Il s’appelle Havard, répondit Marat.

Balsamo se retourna vers le patient, dont la bouche fredonnait encore les dernières notes du plaintif refrain.

— Eh bien, mon ami, lui demanda-t-il, qu’augurez-vous de l’état de ce pauvre Havard ?

— Ce que j’augure de son état ? répondit le malade ; attendez, il faut que je revienne de la Bretagne, où j’étais, à l’Hôtel-Dieu, où il est.