Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/166

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Balsamo prit vivement la parole. Il craignit l’émotion du malade. Il n’était pas besoin qu’il se hâtât.

Nul ne l’eût devancé ; la surprise des assistants était trop grande.

— Mon ami, lui dit-il, tranquillisez-vous ; M. le chirurgien en chef a pratiqué sur votre jambe une opération qui satisfait à toutes les exigences de votre position. Il paraît, mon pauvre garçon, que vous êtes un peu faible d’esprit, car vous vous êtes évanoui devant la première attaque.

— Oh ! tant mieux, dit gaiement le Breton, je n’ai rien senti ; mon sommeil a même été doux et réparateur. Quel bonheur ! on ne me coupera pas la jambe.

Mais en ce moment le malheureux porta ses regards sur lui-même : il vit le lit plein de sang, il vit sa jambe mutilée.

Il jeta un cri, et cette fois s’évanouit véritablement.

— Interrogez-le maintenant, dit froidement Balsamo à Marat, et vous verrez s’il répond.

Puis, entraînant le chirurgien en chef dans un coin de la chambre, tandis que les infirmiers reportaient le malheureux jeune homme dans son lit :

— Monsieur, lui dit Balsamo, vous avez entendu ce qu’a dit votre pauvre malade ?

— Oui, monsieur, qu’il guérirait.

— Il a dit encore autre chose ; il a dit que Dieu le prendrait en pitié, et lui enverrait de quoi nourrir sa femme et ses enfants.

— Eh bien ?

— Eh bien, monsieur, il a dit la vérité, sur ce point comme sur l’autre ; seulement, chargez-vous d’être un intermédiaire de charité entre votre malade et Dieu : voici un diamant qui vaut vingt mille livres à peu près ; quand vous verrez votre malade guéri, vous le vendrez et vous lui en remettrez l’argent ; en attendant, comme l’âme, ainsi que me le disait fort judicieusement votre élève, monsieur Marat, comme l’âme a une grande influence sur le corps, dites bien à Havard, aussitôt que la connaissance sera revenue, dites-lui bien que son avenir et celui de ses enfants est assuré.