Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/171

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terre, et qu’elle a vu d’en haut un mystère que nous dérobe notre opacité.

Marat tournait et retournait sur la table sa tête de mort, cherchant une réponse qu’il ne trouvait pas.

— Oui, murmura-t-il enfin, oui, il y a quelque chose de surnaturel là-dessous.

— De naturel, au contraire, monsieur ; cessez d’appeler surnaturel tout ce qui ressort des fonctions de la destinée de l’âme. Naturelles sont ces fonctions ; connues, c’est autre chose.

— Inconnues à nous, maître, ces fonctions ne doivent pas être des mystères pour vous. Le cheval, inconnu aux Péruviens, était familier aux Espagnols, qui l’avaient dompté.

— Ce serait orgueilleux à moi de dire : « Je sais. » Je suis plus humble, monsieur, je dis : « Je crois. »

— Eh bien, que croyez-vous ?

— Je crois que la loi du monde, la première, la plus puissante de toutes, est celle du progrès. Je crois que Dieu n’a rien créé que dans un but de bien-être ou de moralité. Seulement, comme la vie de ce monde est incalculée et incalculable, le progrès est lent. Notre planète, au dire des Écritures, comptait soixante siècles, quand l’imprimerie est venue comme un vaste phare réfléchir le passé et éclairer l’avenir ; avec l’imprimerie, plus d’obscurité, plus d’oubli ; l’imprimerie, c’est la mémoire du monde. Eh bien, Gutenberg à inventé l’imprimerie, et moi j’ai retrouvé la confiance.

— Ah ! dit ironiquement Marat, vous en arriverez peut-être à lire dans les cœurs ?

— Pourquoi pas ?

— Alors, vous ferez pratiquer à la poitrine de l’homme cette petite fenêtre que désiraient tant y voir les anciens ?

— Il n’est pas besoin de cela, monsieur ; j’isolerai l’âme du corps ; et l’âme, fille pure, fille immaculée de Dieu, me dira toutes les turpitudes de cette enveloppe mortelle qu’elle est condamnée à animer.

— Vous révélerez des secrets matériels ?

— Pourquoi pas ?