Page:Dumas - Joseph Balsamo, Lévy frères, 1872, volume 4.djvu/172

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— Vous me direz, par exemple, qui m’a volé ma montre ?

— Vous abaissez la science à un triste niveau, monsieur. Mais, n’importe ! la grandeur de Dieu est aussi bien prouvée par le grain de sable que par la montagne, par le ciron que par l’éléphant. Oui, je vous dirai qui vous a volé votre montre.

En ce moment on frappa timidement à la porte. C’était la femme de ménage de Marat qui était rentrée, et qui, selon l’ordre donné par le jeune chirurgien, apportait la lettre.


CVII

LA PORTIÈRE DE MARAT.


La porte s’ouvrit et donna passage à dame Grivette.

Cette femme, que nous n’avons pas pris le temps d’esquisser parce que sa figure était de celles que le peintre relègue au dernier plan tant qu’il n’a pas besoin d’elles ; cette femme s’avance maintenant dans le tableau mouvant de cette histoire, et demande à prendre sa place dans l’immense panorama que nous avons entrepris de dérouler aux yeux de nos lecteurs ; panorama dans lequel nous encadrerions, si notre génie égalait notre volonté, depuis le mendiant jusqu’au roi, depuis Caliban jusqu’à Ariel, depuis Ariel jusqu’à Dieu.

Nous allons donc essayer de crayonner dame Grivette, qui se détache de son ombre et qui s’avance vers nous.

C’était une longue et sèche créature de trente-deux à trente-trois ans, jaune de couleur, avec des yeux bleus bordés de noir, type effrayant du dépérissement que subissent à la ville, dans des conditions de misère, d’asphyxie incessante et de dégradation physique et morale, ces créatures que Dieu a faites belles, et qui fussent devenues magnifiques dans leur entier développement, comme le sont en ce cas-là toutes les créatures de l’air, du ciel et de la terre, quand l’homme n’a pas fait de leur vie un long supplice, c’est-à-dire lorsqu’il n’a pas fatigué